D’après le roman de Christophe Boltanski, « La Cache », film réalisé par Lionel Baier, met en scène la figure de l’artiste Christian Boltanski en mai 1968 au sein d’une famille juive hantée par la Shoah.
En adaptant La Cache, le réalisateur suisse Lionel Baier savait qu’il travaillait sur une fiction autobiographique. À ses souvenirs d’enfance, Christophe Boltanski avait mêlé dans son roman une part de fantaisie. L’écrivain évoque un appartement de la rue de Grenelle à Paris où se croisent trois générations d’une famille juive. À sa façon, chacune est marquée par l’Occupation, son traumatisme ou ses répercussions. Dans ses entrailles, l’appartement lui-même a gardé intact ce lieu secret : la fameuse « cache » du grand-père. Parmi les oncles de Christophe, on reconnaît, dans le film, Christian Boltanski qui, en ce mois de mai 1968, expose pour la première fois dans une désespérante indifférence. « Il est le membre de cette famille le plus clairement identifié par le public, songe Lionel Baier. Christian a évoqué la rue de Grenelle avant Christophe et d’une façon différente, plus bourgeoise et moins bohème. » À l’écran, il est interprété par Aurélien Gabrielli dont la ressemblance avec Christian Boltanski jeune s’avère un hasard de casting. Pour garder ses distances avec le réel, le cinéaste n’a pas souhaité rencontrer l’artiste. De même, le scénario l’appellera « Petit Oncle » et non Christian. Le film en fait un introverti qui passe Mai 68 enfermé rue de Grenelle. « Mais Christian Boltanski a certainement participé au mouvement aux Beaux-Arts », précise Lionel Baier. « Je ne voulais pas utiliser ses tableaux mais des tableaux qui auraient pu être de lui, poursuit le cinéaste. Or ce n’est pas évident, car si chacun connaît Christian Boltanski, qui s’en réclame aujourd’hui ? » Finalement, le choix de Lionel Baier s’est porté sur des œuvres de Romane de Watteville, une jeune artiste suisse qu’il apprécie. « Elles peuvent rappeler les débuts un peu pop de Boltanski, mais aussi le travail de Gérard Fromager, qui en 1968 était proche de Jean-Luc Godard. » Si le « Petit Oncle » s’éloigne de son modèle, il ne s’en détache pas tout à fait. Car du Boltanski de 1968, Lionel Baier a gardé l’essentiel : on retrouve à l’écran le basculement fondamental que l’artiste opère à cette époque. Peintre figuratif au début du film, on le voit ramasser dans son quartier des casques de CRS et toutes sortes d’objets pour ébaucher ce qui deviendra son grand travail d’installations. Un travail hanté par la guerre et la Shoah. La « cache », zone de peur et de silence, restera en lui bien après la rue de Grenelle. Et jusqu’à sa mort, en 2021, elle n’a plus quitté ses œuvres.
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Dans la famille Boltanski
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°785 du 1 mai 2025, avec le titre suivant : Dans la famille Boltanski