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De l’oreille à L’Œil - TSF JAZZ

Daniel Humair, un artiste dans toute sa plénitude

Par Laure Albernhe · L'ŒIL

Le 24 novembre 2020 - 471 mots

Il paraît que c’est très français de ne pas prendre au sérieux les artistes interdisciplinaires.

Le batteur Daniel Humair, qui est aussi le peintre Daniel Humair, en souffre. « Quand j’ai commencé à exposer, j’étais déjà connu dans le milieu du jazz, et les gens se sont dit que la peinture était mon violon d’Ingres… », alors que la peinture, c’est son activité quotidienne, plus encore que la musique. Lorsqu’on est batteur, il faut reconnaître que c’est moins amusant de jouer tout seul. Tandis que lorsqu’on peint, on n’a besoin de personne. Mais, si elles sont cloisonnées, ces activités n’en sont pas moins liées par le même élan, celui de l’improvisation. « Être musicien de jazz, c’est prendre des décisions instantanées. J’ai la même attitude lorsque je peins. À la première mise en place, je pense à l’espace, à la largeur, à la hauteur, puis je recherche une tension. On recherche toujours une tension, quand on crée. » Et puis, il y a le geste, vif, qui lui vient de son jeu de musicien, parce qu’il a l’habitude de passer très vite d’un élément de sa batterie à un autre. D’abord apparaît le trait nerveux, puis le remplissage, qu’il compare au travail de l’orchestrateur. Quand sait-il qu’il a fini une toile ? Comme lorsqu’il termine un solo de batterie : quand il estime avoir tout dit.

Alors, non, Daniel Humair n’est pas un musicien qui peint ou un peintre qui joue du jazz. C’est un artiste, dans toute sa plénitude et sa complexité, porté par un élan créateur. Et cela vient de loin. Sa mère rêve de le voir jouer dans une fanfare militaire, quand un ami lui fait écouter un disque : et c’est le jazz qui s’invite. Mais le musicien en herbe est aussi un peintre, déjà, qui copie des cartes postales d’œuvres de Miró et de Picasso… qu’il croise à 14 ans dans les rues de Vallauris. « Je peux prendre une photo ? » Le peintre pose, les mains sur les hanches, mais la photo est ratée, prise à contre-jour. Quelques décennies plus tard, Daniel Humair ne risque pas de marcher sur les plates-bandes de ses maîtres, il connaît trop bien leurs peintures, après avoir vu toutes leurs expos, visité toutes les galeries lors de ses tournées internationales. C’est d’ailleurs au cours d’une tournée où, en dehors de la scène, il s’ennuie à mourir, qu’il renoue avec l’art : en achetant à Aix-en-Provence une sculpture du céramiste Georges Jouve – qui par hasard se trouvait être le père du barman dans le club où il jouait le soir. Le lendemain, Humair est chez Jouve, et l’art à nouveau dans sa vie. Car il fait avec les peintres et les sculpteurs ce qu’il fait avec ses maîtres de jazz : aller les voir pour les observer, apprendre, saisir leur geste, ce fameux geste, toujours…

À retrouver.
Laure Albernhe et Mathieu Beaudou dans les
Matins Jazz,
du lundi au vendredi, de 6 h à 9 h 30 sur TSF JAZZ, la radio 100 % jazz. www.tsfjazz.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°739 du 1 décembre 2020, avec le titre suivant : Daniel Humair, un artiste dans toute sa plénitude

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