Musique

La chronique de Laure Albernhe / TSF Jazz

Chez Lüpertz, la musicalité à l’œuvre

De l’oreille à L’Œil

Par Laure Albernhe · L'ŒIL

Le 1 septembre 2022 - 470 mots

Il n’y a pas un jour sans musique dans la vie de Markus Lüpertz, malicieux représentant du néo-expressionnisme allemand.

En arrivant au Musée des beaux-arts d’Orléans, la ville qui lui rend actuellement un grand hommage, il a tout de suite remarqué la présence d’un piano. C’est peut-être à ce moment qu’il s’est dit qu’il jouerait là, pour le public orléanais, à proximité de ses œuvres, avec son groupe Triple Trip Touch. Qu’il jouerait selon son inspiration, comme il le fait chaque jour dans son atelier, où le geste du plasticien accompagne celui du musicien, et réciproquement. Car il semble que l’un nourrisse l’autre, qu’il en soit la continuité. On dit « son atelier », mais il en a plusieurs, dans différents lieux d’Allemagne et même d’Italie, patrie du grand-père sicilien qui a ruiné sa famille. Le peintre devenu sculpteur au début des années 1980 – mais toute sa sculpture n’était-elle pas déjà là, prête à prendre du volume, dans sa peinture ? – est un artiste nomade. Sans cesse il se déplace, d’un atelier à l’autre, mais aussi dans son propre atelier, il va, court, vole, d’une toile à une autre – car il mène plusieurs travaux de front –, d’une toile à une sculpture, d’une sculpture à son piano. Ce serait curieux d’en voir le clavier, avec ses taches d’argile, ses empreintes digitales, autant de traces d’un work in progress sans cesse en mouvement. On imagine sans peine Markus Lüpertz trouvant un souffle nouveau dans les dissonances de son piano, avant de retourner, bouillonnant, à la matière, qui parfois montre des musiciens de jazz dans son genre, couleur, énergie, mouvement. Mais c’est toujours lui qu’il semble peindre, chapeau et barbe, à la trompette, au tambour, au piano. « Je ne peins pas de motifs, explique-t-il. Je ne peins pas un sujet. Je peins une atmosphère. » Cette atmosphère, il la modèle, comme la matière : peinture, terre ou son. La musique, qu’elle se voie ou qu’elle s’entende, et même si elle ne se voit pas, est toujours présente, dans son geste comme dans sa matière. Il faut des oreilles pour la voir, des yeux pour l’entendre. Selon Olivia Voisin, la directrice du Musée des beaux-arts et commissaire de cette vaste exposition, « il y a une musicalité au-delà du mouvement, dans la manière dont il construit ses formes ». C’est pourquoi ils ont choisi, de concert, d’associer certains des travaux de l’élégant Lüpertz à des enregistrements qui accompagnent le visiteur dans une approche différente de celle qu’il aurait eue dans le silence. Alors on ne sera pas étonné, en découvrant sa musique, de ne pas y trouver de mélodie. L’artiste est libre, son jazz est free. Il est secret aussi, c’est peut-être la facette la plus intime de son art, celle qu’il expose le moins au public. Et celle qui, pourtant, est partout, en évidence.

« Markus Lüpertz. Le faiseur de dieux »,
jusqu’au 18 septembre 2022, Musée des beaux-arts d’Orléans, 1, rue Fernand-Rabier, Orléans (45), www.orleans-metropole.fr.
À retrouver.
Laure Albernhe et Mathieu Beaudou dans
Les Matins Jazz,
du lundi au vendredi, de 6 h à 9 h 30 sur TSF JAZZ, la radio 100 % jazz. www.tsfjazz.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°757 du 1 septembre 2022, avec le titre suivant : Chez Lüpertz, la musicalité à l’œuvre

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