Charles Dantzig, « À propos des chefs-d’œuvre »

À propos du livre de Dantzig

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 21 février 2013 - 336 mots

ESSAI. Qui, de « chef » ou d’« œuvre », prend le pluriel ? La question mérite d’être posée puisque Charles Dantzig choisit d’intituler son essai : À propos des chefs-d’œuvre.

C’est un fait : l’auteur du Dictionnaire égoïste de la littérature française n’entend pas nous parler du « chef-d’œuvre » mais bien des, au pluriel, « chefs-d’œuvre ». Il s’agit donc moins de tenter de définir les ingrédients qui font le chef-d’œuvre que de disserter autour d’une catégorie. Et c’est bien dommage, tant une seule question ne vaut vraiment : qu’est-ce qui fait un chef-d’œuvre ? Mais convenons-en avec Dantzig, « si ce n’était qu’une question de formule, l’humanité aurait inventé la recette du chef-d’œuvre ». Et avec une formule, plus de chef-d’œuvre puisque toute œuvre deviendrait « chef ». Les écrivains n’écriraient alors plus que des chefs-d’œuvre au kilomètre, les peintres peindraient chef-d’œuvre après chef-d’œuvre… Alors rendons à l’essayiste l’honnêteté de reconnaître son impuissance : « Je cherche les critères du chef-d’œuvre, écrit-il. Je ne les trouve pas. » Tant pis pour lui, et tant mieux pour les autres. Car si l’auteur les avait trouvés, ces critères, il y a fort à penser qu’il ne les aurait pas – à raison ! - partagés…

Néanmoins, l’auteur, en dépit de son impuissance avouée – et donc à moitié pardonnée –, persiste et s’efforce de comprendre ce qui fait « les » chefs-d’œuvre de la littérature (ceux des arts plastiques étant, selon Dantzig, plus rares) en interrogeant leur immédiateté, leur degré d’inattendu, leur notoriété, l’influence d’autres chefs-d’œuvre, etc. La plume est alerte, parfois drôle, cultivée sans être jamais prétentieuse. Et les bons mots ne manquent pas : « Le chef-d’œuvre est un anartiste qui pose une bombe dans les paresses. » Et c’est bien ce qui dérange à la fin : à multiplier les aphorismes, Charles Dantzig égare son lecteur sur la route du chef-d’œuvre, avec cette sensation désagréable de l’avoir approché, sans jamais le toucher.

Charles Dantzig, À propos des chefs-d’œuvre, Grasset, 300p., 19,80 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°655 du 1 mars 2013, avec le titre suivant : Charles Dantzig, « À propos des chefs-d’œuvre »

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