Livre

Bernard Gangler, « Parfums de collection, deux siècles parfumés »

Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait le style

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 23 février 2012 - 783 mots

Les Éditions du Chêne ont sorti Parfums de collection, un ouvrage dans lequel l’auteur, le spécialiste Bernard Gangler, retrace l’histoire du parfum et de son écrin de luxe, le flacon, aux XIXe et XXe siècles.

Indissociable des rituels de beauté et des soins du corps depuis l’Antiquité, le parfum acquiert au fil des siècles un prestige considérable. Le XIXe marque un tournant décisif dans l’industrie du parfum, les avancées de la chimie permettent alors de créer des parfums de synthèse, ce qui entraîne une multiplication sans précédent des références proposées à une clientèle, elle aussi, de plus en plus nombreuse.

L’avènement de la parfumerie moderne s’accompagne d’une profonde transformation du flacon à parfum qui devient alors une signature pour les parfumeurs ainsi qu’un accessoire de mode indispensable. À l’aube du XXe siècle, le flacon est encore très simple, presque interchangeable d’une marque à l’autre, il reprend la forme des fioles d’apothicaire. À partir de 1900, il devient l’objet de toutes les attentions, artistes et artisans rivalisent d’inventivité dans la création de flacons haut de gamme pour en faire de véritables objets d’art.

Lalique
Bijoutier et maître verrier emblématique de la Belle Époque, René Lalique est un créateur incontournable de flacons à parfum. En 1907, François Coty le sollicite pour créer le flacon de « L’Effleurt », une collaboration très remarquée qui inaugure le début d’une intense production pour Lalique. Rapidement, il impose ses thèmes de prédilection : motifs floraux stylisés, femmes langoureuses et une faune poétique. Il travaille avec de prestigieuses maisons : pour Roger & Gallet il imagine entre autres « Pâquerettes », dont le bouchon tiare figure en relief un bouquet de pâquerettes, et « Cigalia », flacon aux épaules décorées de cigales dont les ailes retombent sur la panse. Lalique fait des émules, les lignes sinueuses et les arabesques végétales envahissent l’univers de la parfumerie.

L’Art déco
L’extravagance et l’opulence de l’Art nouveau ne résistent cependant pas à la Première Guerre mondiale. À partir de 1919, les formes s’assagissent, elles se font plus épurées mais demeurent éminemment raffinées. Avec l’arrivée de l’Art déco, le flacon se géométrise progressivement pour aboutir à des pièces résolument modernes, réalisées dans des matériaux aussi luxueux que l’or et le cristal.

L’évolution du flaconnage s’explique également par la hausse de la demande. Après guerre, les soldats américains rapportent des parfums achetés à Paris, un nouveau marché est né. S’il se doit toujours d’être un objet de luxe, le flacon présente des formes plus simples, plus adaptées à la production de masse, la sobriété et la simplicité élégante de l’Art déco se prêtent alors parfaitement à ce nouvel usage. Parallèlement au goût pour les formes épurées, les Années folles sont friandes d’exotisme. Symbole de sensualité et d’évasion, le parfum permet toutes les licences. Les flacons de cette époque témoignent de la fascination pour l’Extrême-Orient, notamment « Jade » de Lalique, mais également du goût pour les formes issues de l’imaginaire des Mille et Une Nuits, à l’image de « Shalimar ».

Guerlain et Lanvin
Malgré ce goût prononcé pour l’exotisme, la marque de fabrique du flaconnage des années 1930 demeure la sobriété. Georges Delhomme, un des chantres de cette simplicité, signe pour Lancôme d’élégantes créations dont « Conquête », sobre flacon incrusté de perles, et « Tendres Nuits », flacon flasque très épuré dont le style s’impose comme l’archétype du flacon pour hommes. La maison Guerlain réalise également des créations très raffinées comme le flacon en cristal brun de Baccarat « À travers les champs ». Autre figure de proue de l’Art déco, Jeanne Lanvin crée « Arpège » un flacon-boule noir rehaussé d’un dessin à l’or fin, qui devient un emblème de l’art de vivre de la Parisienne chic. Autre parfum mythique, le « N° 5 » de Chanel présente un flacon d’une grande élégance et d’une grande simplicité, des caractéristiques que l’on retrouve également chez Jean Patou.

Christian Dior
La Seconde Guerre mondiale marque un coup d’arrêt dans l’essor de la parfumerie. Accessoire évoquant le luxe, la frivolité et la séduction, le parfum revient en force à la fin des années 1940. Le couturier Christian Dior inaugure un nouveau style pour la femme moderne, le New Look, style raffiné qu’il transpose également dans ses créations de parfums, à l’image du très chic « Miss Dior », flacon dont le décor reprend le célèbre motif pied-de-poule orné d’un discret petit nœud. À partir des années 1950, la production s’intensifie. L’industrie recycle volontiers des modèles déjà usités et s’oriente davantage vers des créations plus tape-à-l’œil ; l’âge d’or de l’inventivité des créateurs de flacons à parfum est bel et bien révolu.

Bernard Gangler, Parfums de collection, deux siècles parfumés

Éditions du Chêne, 388 p., 49,90 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°644 du 1 mars 2012, avec le titre suivant : Bernard Gangler, « Parfums de collection, deux siècles parfumés »

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