Livre

Œuvres choisies

Baudelaire, Sa passion des images

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 26 mai 2021 - 471 mots

Deux ans après la nouvelle édition des œuvres complètes de Baudelaire dans la Bibliothèque de la Pléiade Gallimard, rééditée cette année pour commémorer le bicentenaire de la naissance du poète le 9 avril 1821, était-il pertinent de consacrer un volume de la collection Quarto aux textes liés à la question de l’image chez Baudelaire ? Oui, si l’on se remémore cette phrase de Mon cœur mis à nu, recueil de notes posthumes : « Glorifier le culte des images (ma grande, mon unique, ma primitive passion) ».

Fils d’un père peintre, collectionneur et amateur d’art, Charles Baudelaire (1821-1867) fut très tôt initié aux beaux-arts. Rien d’étonnant donc à ce que le jeune homme s’essaye, en 1845, au compte rendu du Salon, constatant que « depuis [le critique d’art] M. G. Planche […], la critique des journaux, tantôt niaise, tantôt furieuse, jamais indépendante, a, par ses mensonges et ses camaraderies effrontées, dégoûté le bourgeois de ces utiles guide-ânes qu’on nomme comptes rendus de salons ». Lui se propose donc de dire ce que « les journaux, n’oseraient [imprimer] », passant en revue peintres et sculpteurs du Salon. Delacroix ? « Le peintre le plus original des temps anciens et des temps modernes. Cela est ainsi, qu’y faire ? » Schnetz ? « Hélas ! que faire de ces gros tableaux italiens ? » Roehn ? « Peinture aimable (argot de marchand de tableaux). » Bard ? « Voir le précédent. » Feuchère ? « Encore un habile – mais quoi ! n’ira-t-on jamais plus loin ? » Pour le Salon de 1846, Baudelaire précise ce qu’il entend par critique d’art : « Pour être juste, la critique doit être partiale, passionnée, politique, c’est-à-dire faite à un point de vue exclusif, mais au point de vue qui ouvre le plus d’horizons. »

Pourtant, c’est moins en critique qu’« en poète que Baudelaire aborde les images », écrit Henri Scepi, qui a dirigé l’édition en Quarto. Et pour cause : il est convaincu « que le peintre et le poète ont en partage le règne de l’imagination », dit encore Scepi. Pour Baudelaire, en effet, « le meilleur compte rendu d’un tableau pourra être un sonnet ou une élégie ». C’est pourquoi La Passion des images ne réunit pas seulement les « Salons et autres écrits sur l’art », mais aussi les « Poèmes et écrits de jeunesse », Les Paradis artificiels, Le Spleen de Paris ou encore Les Fleurs du mal avec leur très beau poème Les Phares dédié à Rubens, Léonard de Vinci, Rembrandt, Goya et Delacroix, ce « lac de sang hanté des mauvais anges, / Ombragé par un bois de sapins toujours verts, / Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges / Passent comme un soupir étouffé de Weber. » Enrichi d’une chronologie sur la vie et l’œuvre du poète, ainsi que d’un précieux appareil critique, cet imposant volume est par ailleurs ponctué de nombreuses reproductions d’œuvres et de caricatures qui rendent ce livre, sinon essentiel, du moins pertinent.

Charles Baudelaire,
Gallimard, Quarto, 1826 p., 33 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°744 du 1 juin 2021, avec le titre suivant : Baudelaire, Sa passion des images

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