Musique

Échappée musicale

Baker en haut de l’affiche

Par Laure Albernhe · L'ŒIL

Le 25 novembre 2025 - 404 mots

Il n’y a pas que l’Art déco qui a dépoussiéré le début du XXe siècle… Joséphine Baker et l’affichiste Paul Colin ont secoué, à leur façon, la bourgeoisie parisienne des Années folles.

Trois personnages noirs stylisés, sourire aux lèvres soulignées de rouge : deux hommes en chemise à col cassé encadrent une sculpturale beauté en robe courte. Et ces mots en capitales : « La Revue nègre au Music-hall des Champs-Élysées ». En même temps que l’Art déco, débarque une tornade de dix-neuf ans qui va tout emporter sur son passage, à commencer par le très snob public parisien. C’est « Joséphine » : elle tourne la tête des hommes, des femmes, et de Paul Colin (1892-1985), qui signe cette affiche en octobre 1925. L’« Art nègre » est à la mode, avec une grande exposition parisienne, et puisque l’époque colonialiste n’a pas peur des clichés, qu’il vienne d’Afrique ou des États-Unis ne fait pas une grande différence. Justement, une Américaine (blanche) qui vit à Paris a recruté à New York des artistes africains-américains pour créer « La Revue nègre ». C’est cette troupe qui répète au Théâtre des Champs-Élysées quand, dans la salle, Paul Colin est subjugué par la spectaculaire énergie d’une figurante vouée à un avenir glorieux. Il a vingt-quatre heures pour concevoir une affiche qui doit être placardée dans la ville cinq jours plus tard. Il faut faire vite. Il s’inspire des décors réalisés pour le spectacle par un jeune artiste mexicain de Harlem. Il lui emprunte ses personnages, place sa typo, ses couleurs, le rouge, le noir… L’affiche est née, et avec elle, une nouvelle coqueluche des nuits parisiennes. Paul Colin présente sa vedette au Tout-Paris, elle s’étourdit, il la dessine. En 1927, il publie Le Tumulte noir, elle en est la vedette. Les années sont toujours folles et on danse le jazz au Bal nègre qu’il organise au Théâtre des Champs-Élysées. Pour l’affiche, cette fois, c’est lui qui dessine les personnages. Et c’est très différent : bien sûr, il reste ces lèvres exagérées qui heurtent notre sensibilité cent ans plus tard. Mais le personnage masculin, toujours dans son smoking, devient une forme géométrique, dans l’esprit cubiste. Devant lui et de dos, vêtue simplement de sa désormais légendaire ceinture de bananes, la silhouette de Joséphine est désarticulée, au bord de la rupture. Il y a un monde entre ces deux affiches. En quelques mois seulement, un talent a éclos, qui n’est pas seulement celui de Joséphine Baker (1906-1975).

« Les Matins Jazz », 
sur TSF Jazz, du lundi au vendredi, de 6 h à 9 h 30, www.tsfjazz.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°791 du 1 décembre 2025, avec le titre suivant : Baker en haut de l’affiche

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