Art déco, la passion de l’épure

Deux monographies sur Jean-Michel Frank et André Groult

Le Journal des Arts

Le 30 mai 1997 - 566 mots

Redécouverte récemment, l’œuvre épurée de Jean-Michel Frank suscite un vif engouement, qui se manifeste notamment par des enchères élevées en ventes publiques. Un bel ouvrage réédité aux éditions du Regard donne les clés de l’univers de ce grand artiste décorateur. Dans une monographie parue aux éditions de l’Amateur, Félix Marcilhac s’attache à mettre en valeur l’œuvre très personnelle et élégante, mais souvent méconnue, d’un créateur discret, André Groult.

"Frank atteint à la beauté par des volumes simples, bien équilibrés, logiquement conçus", écrit Léopold Diego Sanchez dans son ouvrage publié pour la première fois en 1980 et aujourd’hui réédité aux éditions du Regard. "Pour notre ami, le luxe, c’était la simplicité", a dit Cocteau à propos de Frank. D’une modernité intemporelle, ses œuvres sont particulièrement appréciées aujourd’hui, et la réédition augmentée de sa monographie, la seule qui lui ait été consacrée, vient à point nommé. Elle apporte une vision très complète des créations de Jean-Michel Frank, notamment grâce à une iconographie importante qui permet d’apprécier son goût très juste et son esprit d’avant-garde. Avec une rigueur presque "puritaine", Frank écarte le superflu et privilégie des lignes novatrices, mises en valeur par des matériaux naturels de toute sorte : parchemin, sycomore, mica, galuchat, paille, cuir... Héritier à sa façon des ébénistes de la fin du XVIIIe siècle, il compose d’originales marqueteries de paille en dégradé géométrique. Le raffinement de ses meubles, dans leur sobriété, est toujours très grand. Certains fauteuils sont par exemple recouverts de cuir avec une couture sellier réalisée par Hermès. Né en 1893, fils d’un juif allemand courtier à la Bourse de Paris, Frank perd deux de ses frères à la guerre en 1915, puis son père se suicide. Sa mère, internée, meurt en 1919. Esthète sombre et élégant, Frank se lance dans la société cosmopolite et devient le décorateur du Tout-Paris, associé avec Adolphe Chanaux. En 1941, il se suicide en se jetant d’un building à New York.

Novateurs traditionnalistes
À travers un texte vivant et documenté, Félix Marcilhac nous donne envie de mieux connaître André Groult et son œuvre. Fruit d’une étroite collaboration avec sa famille – dont ses filles Benoîte et Flora Groult –, son approche chronologique très détaillée du parcours de ce créateur s’accompagne de reproductions souvent inédites de plans d’exécution ou de dessins d’études. Expert réputé en Art nouveau et Art déco, Félix Marcilhac est notamment l’auteur du catalogue raisonné de l’œuvre de Lalique. Cette monographie est le premier ouvrage de référence consacré à André Groult, et Marcilhac y restitue l’atmosphère effervescente d’une grande époque de création. Alliant classicisme et modernité, André Groult appartient plutôt aux "novateurs traditionalistes" qui se placent dans la continuité des styles du passé, en retrait des tendances les plus avancées. Adepte des formes galbées, voluptueuses, féminines, Groult cultive l’amour du détail et recherche une simplification des formes. Le motif de la rose, hérité du XVIIIe siècle, apparaît ici avec une ligne géométrique et moderne. Fils d’un naturaliste, né en 1884, André Groult épouse Pauline Marie Poiret, sœur du grand couturier Paul Poiret. Elle-même couturière, plus connue sous le nom de Nicole Groult, cette femme de talent aura une influence décisive sur l’évolution de son œuvre.

- Léopold Diego Sanchez, Jean-Michel Frank, éditions du Regard, 264 p., 400 illustrations dont 120 en couleur, 450 F.
- Félix Marcilhac, André Groult, décorateur-ensemblier du XXe siècle, éditions de l’Amateur, 240 p., 160 illustrations dont 100 en couleur, 500 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°39 du 30 mai 1997, avec le titre suivant : Art déco, la passion de l’épure

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