Livre

Entre les lignes

Apollinaire sur tous les fronts

Par James Benoit · L'ŒIL

Le 21 février 2019 - 358 mots

PARIS

Bien avant ceux de la Grande Guerre, Apollinaire est de tous les fronts. Poète musicien des mots, inventeur de forme et de langage, ami et admiré des peintres, qu’il inspire, qu’il attire, sa ligne de vie le met à la croisée des chemins.

Son aventure poétique et sa quête des mystères du monde, où les lignes, les couleurs et les sons font sens, le rapprochent d’abord des symbolistes. Il devient par la suite le précurseur, si ce n’est le créateur, du surréalisme qui, au-delà du réel, met en relief le rapport des cinq sens à l’expérience des choses. Il est aussi le principal soutien artistique de la naissance du cubisme et l’inventeur même de la définition de l’orphisme, synthèse idéale qui réunirait tous les arts et dont chaque élément produit son propre effet de sens. C’est de cette même inspiration, qui brise les murailles érigées entre les couleurs et les sons, les choses et leurs représentations, que naîtront les Calligrammes, visions poétiques au carrefour des mots et des images. De tout son parcours, il s’agit de produire une sensation d’une richesse nouvelle, qui lie le champ des perceptions aux chants de l’inconscient. Son rapport de l’être à la lettre est guidé par une intuition artistique profonde, une recherche de sensations en synesthésie, totale, qui en fait le digne légataire littéraire d’Arthur Rimbaud. C’est aussi la soif et l’esprit des arts de son époque, en quête d’un « langage lumineux » qui parle au rêve sans chimères. En 1913, en pleine explosion de la peinture cubiste, les éditions du Mercure de France publient pour la première fois Alcools, fruit de quinze années de son travail poétique. Louis Marcoussis orne à l’aquarelle son propre exemplaire directement sur le papier vélin, pour lui-même. Et c’est cet exemplaire unique conservé à la BnF que les éditions Gallimard éditent en fac-similé, symbolisant à lui seul, derrière les signes typographiés sur les pages, l’imprégnation du poète dans les visions de son temps, ainsi que la marque indélébile des années passées. De cette lecture en immersion, au centenaire de sa disparition, émerge alors d’autant mieux tout ce que dit sa poésie, et qui n’est pourtant pas écrit.

Guillaume Apollinaire, Louis Marcoussis,
Alcools,
fac-similé de l’exemplaire unique aquarellé, BnF Éditions/Gallimard, 200 p., 35 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°721 du 1 mars 2019, avec le titre suivant : Apollinaire sur tous les fronts

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