Danse & Théâtre

Une Mouette, spectacle d’Elsa Granat

Anton Tchekhov sous tension

Par Marie Plantin · L'ŒIL

Le 25 novembre 2025 - 310 mots

Théâtre -  Elsa Granat a l’art de s’emparer des classiques du répertoire, que ce soit Le Roi Lear de William Shakespeare ou Une maison de poupée de Henrik Ibsen, pour les confronter à notre époque en crise et en révolte, traquer ce qui aujourd’hui encore résonne quand elle ne leur tord pas le cou en des réécritures féministes mues par une urgence vitale à faire bouger les lignes et trembler les murs.

Du théâtre à la vie, il n’y a qu’un pas et Elsa Granat frictionne ses combats viscéraux avec les grands textes de la littérature dramatique, elle se mesure à cet héritage aussi masculin qu’imposant et, sans baisser le regard, les affronte avec ses armes. Pour sa première mise en scène au Français, dans l’historique salle Richelieu qui plus est, elle empoigne le chef-d’œuvre d’Anton Tchekhov, y plonge la troupe jusqu’aux os et sans ménagement, et y ajoute deux extensions de son cru, un prologue et un épilogue qui en orientent et en renouvellent la lecture en plus d’augmenter la version originale. Car c’est sur Arkadina, le personnage de la mère habituellement secondaire, qu’elle porte sa focale, et la comédienne Marina Hands lui donne toute son aura sans s’économiser, toujours sur le qui-vive, intense et électrique, désemparée et bouleversante. Les autres interprètes, de Loïc Corbery à Julien Frison en passant par Adeline d’Hermy en Nina, ne déméritent pas. Chacun se taille une part de lion dans ce théâtre d’acteurs palpitant qui fait la part belle à l’humain et offre des scènes d’une beauté sidérante. Dans un décor en métamorphoses incessantes qui se joue des codes du théâtre (toiles peintes et trompe-l’œil, rideaux lourds et fumée basse) et présente des paysages changeants, des trouées de perspectives insensées et des obscurités déchirées par les éclairs d’un ciel de fin d’été, l’intrigue déroule son drame sans jamais perdre son panache. Fougueux et foudroyant.

« Une Mouette », 
d’après Anton Tchekhov, adaptation et mise en scène d’Elsa Granat, à la Comédie-Française en alternance, salle Richelieu, place Colette, Paris-1er, jusqu’au 11 janvier 2026, www.comedie-francaise.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°791 du 1 décembre 2025, avec le titre suivant : Anton Tchekhov sous tension

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