Aloïs Riegl : "Le Portrait de groupe dans la peinture hollandaise"

Une histoire fulgurante et émouvante

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 26 janvier 2009 - 408 mots

Hazan édite pour la première fois en français l’un des textes fondateurs de l’histoire de l’art : Le Portrait de groupe hollandais d’Aloïs Riegl (1902).

Membre de l’école de Vienne, Riegl (1858-1905) est un historien formaliste spécialiste des monuments, auteur de Questions de style (1892) et du Culte moderne des monuments (1903), ses textes les plus étudiés.
Au dire des spécialistes, Le Portrait de groupe hollandais est cependant son ouvrage le plus étonnant, qui opère un tournant dans la pensée de l’auteur et dans la discipline en général. « Ce qui est […] neuf, écrit dans la préface Étienne Jollet, auteur de La Nature morte commentée il y a peu dans ces pages [lire L’œil n° 603], est la logique même de son propos, entièrement construit sur la question du lien, qui va mettre en rapport […] les figures, le spectateur, l’auteur, le lecteur. »

Un genre amstellodamois
Le portrait de groupe apparaît en Hollande au XVIe siècle. Par « groupe », il faut entendre l’association d’individus réunis dans un but commun et à l’intérêt général. En effet, Riegl exclut d’emblée les portraits de famille, bien connus des peintres italiens, ainsi que ceux des scuole vénitiennes dont l’intérêt est d’ordre religieux – le salut de l’âme –, et donc individuel. Pour l’auteur ce thème ne pouvait d’ailleurs s’épanouir que dans une cité démocratique, donc ailleurs qu’en Italie, et plus précisément à Amsterdam.
Si Riegl voit posées les bases du portrait de groupe dans un sujet religieux peint en 1494 par Gérard de Saint-Jean, il date l’invention du genre en 1529 avec Dirck Jacobsz. Selon lui, le sujet a connu trois périodes : symboliste, de genre (à partir de 1580) et dramatique-novelliste (avec Rembrandt). Au départ succession de portraits alignés et reliés entre eux par un symbole d’une même appartenance, le portrait de groupe se structure au fil des décennies, gagne en espace et en profondeur. La subordination apparaît entre les personnages, les geste se libèrent jusqu’à donner naissance au « zénith » de l’art hollandais : Rembrandt et sa Ronde de nuit.
Mais plus qu’une analyse exemplaire d’un « unique moment de l’histoire universelle de l’art », le texte de Riegl est un document sur le travail de l’historien à la fin du XIXe siècle : la difficulté d’accéder aux œuvres, le travail d’après reproductions en noir et blanc, etc. Fulgurant et émouvant.

Aloïs Riegl, Le Portrait de groupe dans la peinture hollandaise, Hazan, 408 p., 35 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°610 du 1 février 2009, avec le titre suivant : Aloïs Riegl : "Le Portrait de groupe dans la peinture hollandaise"

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