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Alain et Odette Virmaux, « Dictionnaire des mouvements artistiques et littéraires 1870-2010 »

Par Suzanne Lemardelé · Le Journal des Arts

Le 14 février 2012 - 480 mots

Réédition revue et corrigée d’un dictionnaire interdisciplinaire sur les arts de 1870 à aujourd’hui.

« La mode étant ce qu’elle est, arrivé à la septantaine, on en a vu des ismes passer sous les ponts. » C’est sur cette citation de Raymond Queneau que s’ouvre le dictionnaire d’Alain et Odette Virmaux, publié aux Éditions du félin. Alors comment classer ces « -ismes » décriés, réducteurs, « manies moutonnières » des artistes ? Comment créer un catalogue alphabétique clair, sans fixer sur le papier une description figée ou artificielle de ces mouvements ? En élargissant leur définition, répondent les auteurs. C’est à cette fin que le couple a entrepris la réédition, revue et corrigée, de ce dictionnaire, paru pour la première fois en 1992. Dans la version 2012, pas question d’écoles ou de manifestes :« il y a mouvement lorsqu’il y a foyer d’irradiation collective et lorsque ce centre de rayonnement finit par constituer un fait de société ». Que ce foyer d’irradiation concerne la sculpture, la littérature ou la musique ne fait aucune différence. À l’entrée « Préraphaélites » succède celle de la revue « Présence Africaine », à « de Stijl », le mouvement littéraire italien « Strapaese ». En misant sur l’interdisciplinarité, le livre se veut un Bateau-Lavoir de papier, accueillant peintres et écrivains dans un grand brassage des moyens d’expression.

Les « Jemenfoutistes »
Ce mélange des genres peut se révéler un peu déroutant au premier abord, de surcroît dans un dictionnaire qui, de l’aveu de ses auteurs, n’a aucune prétention scientifique et ne vise donc pas l’exhaustivité. Au sein d’une même discipline, placer sur un même plan l’historique de l’ensemble musical des Arts florissants et une synthèse sur la musique concrète apparaît également comme un pari risqué. Quant à la Révolution culturelle chinoise, son intégration dans un dictionnaire des mouvements artistiques peut interpeller. Mais ces déséquilibres font l’originalité de l’ouvrage et le parti pris n’enlève rien à sa richesse comme à l’intérêt des définitions qu’il propose. Le surréalisme y bénéficie d’un article détaillé, qui aborde à la fois son histoire, son idéal, sa pluridisciplinarité et son rayonnement international. L’objectif de ce dictionnaire n’étant pas de juxtaposer les disciplines mais de les croiser, un système de renvois permet de dériver au gré des définitions et de rebondir d’une entrée à l’autre. C’est peut-être d’ailleurs là le meilleur aspect de l’ouvrage. Car, de façon paradoxale pour un dictionnaire, ce livre semble finalement moins destiné à une recherche précise qu’à une promenade le long de ses pages. On peut alors y découvrir les « Hydropathes », les « Zutistes » et leurs héritiers, les « Jemenfoutistes », ou encore apprendre que le « bovarysme » ne désigne pas uniquement les états d’âme d’une bourgeoise de province un peu trop romanesque.

ALAIN ET ODETTE VIRMAUX, DICTIONNAIRE DES MOUVEMENTS ARTISTIQUES ET LITTÉRAIRES 1870-2010

Éditions du félin, 2012, 576 p., 35 €, ISBN 978-2-86645-768-6.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°363 du 17 février 2012, avec le titre suivant : Alain et Odette Virmaux, « Dictionnaire des mouvements artistiques et littéraires 1870-2010 »

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