Prière de regarder

Ainsi parlait Ai Wei Wei

L'ŒIL

Le 9 novembre 2012 - 365 mots

On pourrait le confondre avec Barbe bleue, cet artiste « majeur », comme certains aiment à plaisanter face au doigt tendu d’Ai Wei Wei, de Paris à la place Tian’anmen. Ai Wei Wei, un provocateur ? Un artiste ?

Avec l’intellectuel chinois, nous partons au-delà de la simple bravade, voilà d’ailleurs le propos de ce premier documentaire d’Alison Klayman (Ai Wei Wei, Never Sorry, sortie le 5 décembre). Cet homme, cette force de la nature, ne se définit pas comme un artiste, il n’attaque pas non plus le pouvoir, il se défend. C’est son intimité que nous touchons avec ce film. Ses chats. « Je n’aurais jamais su qu’un chat pouvait ouvrir une porte si je n’avais pas vu un des miens le faire », dit-il au début. Il est donc question d’ouvrir des portes. L’intelligence est fulgurante. La poésie à chaque coin de phrase. Le sens : la liberté, un acquis pour nous autres Occidentaux, un luxe qu’Ai Wei Wei savoure durant une grande partie du film et qu’il payera finalement de quatre-vingts jours d’enfermement, d’une libération sous caution, de la destruction au bulldozer de ses ateliers, de la fermeture de son blog et d’une opération du cerveau suite à un passage à tabac de la police.

Pas de mensonge, pas de langue de bois ; ici, on chérit la vérité, même quand elle écorche l’artiste. Ainsi pourquoi les grands hommes sont-ils toujours tout petits face aux femmes ? Never Sorry aborde évidemment l’art d’Ai Wei Wei, le stade national de Pékin construit pour les Jeux olympiques de 2008, la photographie, les Sunflower Seeds de la Tate Modern de Londres, mais le film ne raconte pas seulement l’œuvre, il la contextualise. Le comment et le pourquoi de ces prouesses sont expliqués en toute simplicité. L’émotion et la solidarité qu’elles suscitent viennent de l’empathie et provoquent la compassion du spectateur. Est-ce là la signification de l’art ? C’est l’une des questions que pose le documentaire avec la situation en Chine, l’histoire (à travers le destin de son père, le poète Ai Qing), l’utilisation d’Internet comme outil de révolte… Mais tout cela reste infime face aux multiples sentiments qui vous agitent lorsque vous visionnez ce film.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°652 du 1 décembre 2012, avec le titre suivant : Ainsi parlait Ai Wei Wei

Tous les articles dans Médias

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque