Ventes aux enchères

VENTES PUBLIQUES

Ventes aux enchères, toujours plus haut

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 4 janvier 2023 - 1013 mots

Les dix premiers opérateurs en France ont réalisé un chiffre d’affaires en hausse de 20 % par rapport à 2021. Plusieurs facteurs expliquent cela.

France. Avec un chiffre d’affaires cumulé de 1,5 milliard d’euros, les dix premières maisons de ventes en France affichent une santé insolente. La hausse par rapport à l’an dernier – qui était déjà une année record – est de près de 20 %, et presque de 50 % par rapport à l’année 2019 (814 M€), une année pré-Covid. L’Hôtel Drouot est en queue de peloton avec une croissance de 8 % pour un total de 349 millions d’euros récoltés par les 820 vacations organisées en salles (contre 734 en 2021).

Sur les dix premières maisons de ventes en France, sept annoncent un bilan record jamais atteint depuis leur création (Artcurial, Aguttes, Millon, Ader, Osenat) ou leur installation en France (Christie’s et Sotheby’s). Christie’s atteint presque un demi-milliard d’euros (492 M€) – elle est la première du classement [voir tableau ci-contre] – quand Millon se rapproche des 100 millions et qu’Ader franchit pour la première fois le cap des 50. Toutes – sauf Tajan (10e) – enregistrent une hausse par rapport à l’an passé avec une croissance comprise entre 6 % et 30 %, excepté Bonhams Cornette de Saint Cyr (les deux maisons ont fusionné en juin dernier), qui fait un bond de 64,5 %. L’écart entre les trois premières maisons de ventes et le reste du classement est toujours important mais – fait nouveau – quatre opérateurs annoncent un résultat supérieur à 50 millions d’euros contre seulement 1 en 2019.

Cette année faste a été jalonnée de records, avec des collections hors norme, comme celle d’Hubert de Givenchy qui a atteint 118 millions d’euros chez Christie’s ou encore celle de la famille Al Thani de l’hôtel Lambert chez Sotheby’s (76,6 M€) – record mondial pour une vente d’arts décoratifs français. Les enchères multimillionnaires sont aussi montées d’un cran ; l’an passé, l’adjudication la plus élevée n’avait pas dépassé 15 millions d’euros. En 2022, elles excèdent les 20 millions d’euros avec Femme qui marche, d’Alberto Giacometti [voir ill.], adjugée 27 millions d’euros chez Christie’s – œuvre la plus chère en France pour les douze mois écoulés – suivie du Panier de fraises des bois, de Jean Siméon Chardin vendu 24,4 millions d’euros chez Artcurial.

Des riches toujours aussi riches

Pourquoi autant d’acheteurs et autant d’argent alors que tout le monde pensait que la pandémie allait mettre un coup d’arrêt au marché de l’art ? Il n’en a rien été, bien au contraire. Le marché de l’art continue de faire fi de l’environnement économique morose, du conflit en Ukraine, de la crise énergétique et de l’inflation. D’abord, il y a eu un embouteillage de dispersions de collections d’envergure – des collections qui, si pandémie il n’y avait pas eu, auraient été vendues de manière plus étalée dans le temps. Le pedigree de ces ensembles a amené un afflux de chefs-d’œuvre, qui, quel que soit leur prix, trouvent toujours acquéreur. D’ailleurs, c’est le segment supérieur, celui des ventes au-dessus d’un million d’euros qui a progressé le plus vite. Ainsi Christie’s a enregistré pas moins de 80 enchères millionnaires (contre 55 l’an passé) tandis qu’Artcurial en comptabilise 17 (contre 7 l’an dernier).

Top 10 des opérateurs de ventes aux enchères (ventes volontaires) en France en 2022 © Le Journal des Arts
Produit d’adjudication (PA) en millions d’euros, frais inclus, sans TVA.
Le classement est établi selon le PA HT, calculé avec un taux moyen de commission de 22 %.
© Le Journal des Arts

Les riches sont toujours plus riches et n’ont pas été affectés par la crise. Un rapport de l’ONG Oxfam a indiqué que depuis le début de la pandémie, la fortune des dix hommes les plus riches au monde a doublé. Des sommes colossales ont été amassées dans le domaine des nouvelles technologies et du luxe.

À cela s’ajoute le fait que l’art est un placement financier, un moyen de diversifier son patrimoine. « Avant, les gens qui avaient de l’argent, nous, maisons de ventes, nous ne les connaissions pas. Ils étaient les clients des grands marchands. Mais aujourd’hui, grâce à la médiatisation du monde des enchères et des coups de projecteur sur les records, d’Internet ou encore des réseaux sociaux, ces gens-là ont compris que l’art est une vraie valeur refuge ! », explique le commissaire-priseur Claude Aguttes, qui ajoute : « Ils ont intégré qu’un chef-d’œuvre le sera encore dans dix, vingt, cent ans alors ils se dépêchent de les acheter avant qu’ils n’entrent dans un musée et n’en ressortent plus, plutôt que d’investir dans l’immobilier. »

Un marché dopé par les ventes en ligne

Grâce au boom des ventes en ligne – quasi inexistantes avant la crise sanitaire – qui permettent de vendre une œuvre à toute la planète, la globalisation s’est encore accentuée. Sotheby’s a noté la participation de 97 pays à ses ventes ; 85 pour Christie’s : « Il y en avait 68 l’an passé, ce qui démontre que la mondialisation du marché se poursuit », confirme Cécile Verdier, présidente de Christie’s France.

Autre explication d’un marché en pleine forme, les ventes de gré à gré continuent de se multiplier. « Nous avons engrangé 151 millions d’euros pour nos ventes privées, multipliant par deux le total obtenu en 2021 », a annoncé Mario Tavella, président de Sotheby’s France. Chez Christie’s, elles ont triplé en une année.

Si ce bilan ne concerne que les dix premières maisons de ventes en France, il est de bon augure pour le chiffre d’affaires global de 2022, qui sera communiqué dans le rapport annuel du Conseil des maisons de ventes en mars prochain. L’an passé, le rapport faisait état de 1,858 milliard d’euros récolté par les 220 maisons de ventes aux enchères du secteur Art & objets de collection – montant le plus élevé de son histoire.

Le marché est devenu très international et ces très bons scores sont le reflet des résultats mondiaux qui eux aussi enregistrent des records historiques. Christie’s a annoncé un total de 8,4 milliards de dollars (dont 1,2 Md$ pour les ventes privées), en progression de 17 % ; 8 milliards de dollars (chiffre estimatif) pour Sotheby’s (dont 1,1 Md$ pour les ventes privées), en hausse de 9,6 % ; quand Phillips a engrangé 1,3 milliard de dollars (dont 250 M$ pour les ventes privées), en croissance de 30 %.

Tous les montants indiqués dans le texte sont avec frais compris mais hors TVA.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°602 du 6 janvier 2023, avec le titre suivant : Ventes aux enchères, toujours plus haut

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