Ventes aux enchères

Une tête rituelle Kuyu mise aux enchères

Par Marie Potard · L'ŒIL

Le 29 août 2025 - 362 mots

Le 20 septembre, la Maison Millon disperse à Drouot une partie de la collection d’arts extra-européens de l’artiste franco-argentin Antonio Seguí, dont une tête rituelle Kuyu, de la République démocratique du Congo.

Une passion discrète

Antonio Seguí (1934-2022) n’était pas qu’un artiste, chroniqueur de la vie urbaine moderne à travers des scènes foisonnantes, drôles, parfois absurdes. Peu le savaient, mais il était aussi un fervent collectionneur. Méconnu du grand public, son goût prononcé pour la collection émerge dès les années 1950, porté par une fascination pour les arts d’Afrique et d’Amérique. Son installation à Paris en 1963 marque un tournant : au Musée de l’Homme, puis auprès de Jacques Kerchache – dont l’amitié affûte son regard –, il s’initie aux arts dits premiers. Il arpente alors les galeries de Saint-Germain-des-Prés et les salles des ventes de Drouot.

Rituel initiatique

Les Kuyu, installés au nord-ouest du Congo, au bord de la rivière du même nom, étaient organisés en deux clans totémiques : celui de la panthère et celui du serpent. Cette tête est associée aux traditions du clan du serpent et à la société secrète masculine Ottoté. Elle représentait le dieu serpent Ebongo, dévoilé aux jeunes à la fin de leur initiation. Montée sur un bâton manipulé par un danseur caché, elle participait aux danses rituelles qui racontaient la création du monde.

Expressivité saisissante

D’emblée, cette tête en bois et traces de polychromie de la fin du XIXe siècle frappe par ses dimensions hors norme (H. 58 cm) et la densité de son expressivité. Le visage, figé dans une solennité hiératique, impose sa présence avec autorité. Les volumes, tendus et concentrés, s’organisent autour d’un regard étroit et d’une bouche entrouverte laissant apparaître les dents, dans un équilibre structurel d’une grande force. Des scarifications délicatement gravées parcourent la surface, révélant une architecture géométrique d’une grande précision, empreinte d’une remarquable rigueur formelle.

Estimation entre 30 000 et 50 000 €

Selon l’expert de la vente, Serge Reynes, qui a sélectionné les 200 lots de la vacation, cette œuvre, autrefois conservée par les collectionneurs Freda et Harry Schaeffer, « peut sans doute être classée parmi les plus grandes et les plus belles têtes connues de ce type ».

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°788 du 1 septembre 2025, avec le titre suivant : Une tête rituelle Kuyu mise aux enchères

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