Art nouveau

Tout naturellement

Sotheby’s France disperse la collection d’un magnat japonais de l’immobilier

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 30 janvier 2013 - 760 mots

La vente de l’exceptionnelle collection du Garden museum appartenant à un magnat japonais de l’immobilier devrait relancer le marché de l’Art nouveau.

PARIS - Le 16 février à Paris chez Sotheby’s, se présente la collection du Garden museum de Nagoya (Japon), soit le plus important ensemble d’œuvres d’Art nouveau jamais présenté en ventes publiques depuis la dispersion de la collection Barbara Streisand, le 29 novembre 1999 à New York chez Christie’s. Sur les conseils du spécialiste des Arts décoratifs Alastair Duncan, cette collection avait été constituée dans les années 1990 par le magnat japonais de l’immobilier Takeo Horiuchi, avant tout grand collectionneur d’objets de Louis C. Tiffany. Avec pour fil conducteur l’influence des arts du Japon sur l’art occidental entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, Horiuchi a acquis de nombreuses pièces emblématiques des plus grands artistes de l’époque, notamment Émile Gallé, Louis Majorelle et René Lalique. Il a récemment négocié la vente de sa collection dans son intégralité à un Américain tout aussi amateur de Tiffany. Ce dernier a confié à Sotheby’s la partie Art nouveau de la collection qui ne l’intéressait pas. Quant à ce qui a motivé Horiuchi à se séparer brutalement de ses œuvres, la maison de ventes évoque « le séisme qui provoqua le tsunami et la catastrophe de Fukushima en 2011 ». La collection du Garden museum comprend un très grand nombre de meubles. Pour fixer leurs estimations, les experts de Sotheby’s se sont basés sur d’anciens résultats de vente qu’ils ont réactualisés en fonction de la rareté, de la qualité des œuvres et de l’évolution des goûts. « Nous avons estimé 20 000 euros une lampe de parquet de Majorelle, en acajou et chêne teinté, en nous basant sur le fait que, même si l’objet peut sembler démodé, sa ligne pure nous paraissait plus contemporaine aujourd’hui qu’elle ne devait l’être il y a vingt ans », avance Cécile Verdier, directrice du département.

Les spécialistes de la maison de ventes ont aussi tenu compte d’enchères récentes relevées dans diverses vacations. Et ils ont constaté que l’intérêt de fervents amateurs avait fait monter les prix du mobilier Art nouveau, en dépit de la prédominance de l’Art Déco sur le marché des arts décoratifs. Ainsi le 29 mars 2011 à Paris chez Christie’s, lors de la dispersion de la collection du château de Gourdon, plusieurs pièces de mobilier aux nénuphars de Majorelle ont ravivé la flamme des amateurs d’Art nouveau : un grand lit et sa paire de chevets vendus 1,1 million d’euros, un petit bureau parti à 259 000 euros, un guéridon adjugé 133 000 euros et une lampe avec son abat-jour en verre signé Daum envolée à 65 800 euros. L’année précédente, quelques meubles signés Eugène Gaillard, Hector Guimard ou Émile Gallé, présentés dans diverses vacations à Drouot, avaient connu le même engouement.

La nature champenoise célébrée
Une admirable salle à manger commandée à Gallé par le Reimois Henry Vasnier, directeur des champagnes Pommery tombé en pamoison devant les créations de l’artiste à l’Exposition universelle de 1889, est le clou de cette vente. Avant de partir au Japon, elle avait été achetée par un couple de Texans lors d’une vente à Drouot en 1964. La pièce phare en est le buffet « Les chemins d’automne » (vers 1891-1893), en orme sculpté et marqueterie de bois de fruitiers, qui est un meuble étonnant, quasi surréaliste avec ses poignées en bronze qui grimpent sur le meuble comme une araignée et ses grappes de raisins en bois sculpté pendant comme d’une treille où s’accrochent aussi des escargots. Estimé 500 000 à 700 000 euros, il est dédicacé à Vasnier, tout comme la table « Herbes potagères », estimée 220 000 euros. La console « Soir d’avril au vignoble » est estimée 30 000 euros. Enfin, les quatorze sièges de la salle à manger seront vendus en trois groupes : dix chaises (est. 80 000 euros), deux autres chaises à l’assise plus basse (est. 15 000 euros) et deux fauteuils (est. 15 000 euros). Il faudra dépenser un million d’euros, voire plus, pour racheter l’ensemble. Plus commercial et non moins sculptural avec ses bronzes dorés, l’élégant bureau « Orchidées » de Majorelle, considéré comme le « Cressent de l’Art nouveau », devrait plaire à un public plus large mais non moins aisé, sur une estimation minimale de 250 000 euros.

CHEFS-D’ŒUVRE ART NOUVEAU, ANCIENNE COLLECTION DU GARDEN MUSEUM, JAPON

Le 16 février, Sotheby’s, 76 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris, exposition publique du 11 au 15 février 10h-18h, tél. 01 53 05 53 05, www.sothebys.com

ANCIENNE COLLECTION DU GARDEN MUSEUM

Expert : Cécile Verdier

Estimation : 4 à 5 millions d’€

Nombre de lots : 143

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°384 du 1 février 2013, avec le titre suivant : Tout naturellement

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