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Sugimoto, éloge de l’ombre

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 29 novembre 2017 - 574 mots

Les paysages épurés en grand format du photographe japonais sont doublement exposés chez Marian Goodman, à Paris et à Londres.

Paris. Quittant la Pace Gallery, Hiroshi Sugimoto a rejoint en janvier 2017 la galerie Marian Goodman. Moins d’un an plus tard, l’iconique série « Seascapes » à Paris et la non moins célébrissime série « Theaters » à Londres inaugurent leur nouvelle collaboration – en 2006 une exposition avait déjà été organisée à Paris. La rencontre entre l’horizon et l’Océan pour la capitale française, et la luminescence troublante de l’écran blanc de salles de spectacle légendaires pour la capitale britannique. Le choix pour leur premier pas de deux a force de symbole. Il incarne la poétique raffinée de l’artiste japonais et son écriture sérielle attachée au sacré et au beau, à la mémoire et au temps, plus précisément aux effets de leur confrontation. La sélection elle-même mélange des pièces d’époques différentes, y compris au sous-sol réservé aux dernières pièces réalisées en 2016-2017 en mer de Tasmanie.

Depuis plus de trente ans, Hiroshi Sugimoto photographie des paysages marins étales et complices des cieux sans nuages qui s’y mirent sans jamais se confondre avec eux, partagés par une ligne d’horizon au tracé net. Ses paysages, devenus familiers, sont une source de renouvellement permanent. La rigueur du dispositif photographique, la constance dans la répétition, la lumière modulée en surface et les gammes vertigineuses de blanc, gris ou noir, signatures de la virtuosité du tirage, se jouent inlassablement de la perception du paysage, de l’épure, de la matérialité de l’image, de sa puissance méditative ou fictionnelle.

La pénombre des derniers « Seascapes » de Sugimoto ne ressemble à aucune autre. Elle porte en elle les silences des nuits en mer sans lune. La mer de Tasmanie ne saurait se réduire en effet au seul premier regard posé sur elle. Comme les autres mers photographiées par Sugimoto, elle sert de caisse de résonance. Ce que l’artiste orchestre minutieusement dans les espaces de la galerie Marian Goodman. L’entrée dans les espaces parisiens ne se fait pas par le chemin habituel, mais par l’élégant vestibule de l’hôtel de Montmort où l’enseigne s’est établie. Trois pièces de « Five Elements » (sphère de verre optique à la forme de pagode renfermant un paysage de « Seascapes ») introduisent au cheminement ; soit trois bornes délicates avant d’accéder aux espaces de la galerie plongés dans une pénombre habitée par la seule présence de paysages marins réalisés à différentes époques.
 

À l’origine, une chute d’eau

Placé en contrepoint, en fin de parcours, un grand format de « Kegon Waterfall » de 1976, pour la première fois objet d’un tirage, rappelle ce qui a présidé à « Seascapes ». Cette quête de sens, ce retour sans cesse à l’origine du monde, des lieux ou des croyances impriment la démarche de Sugimoto depuis le début. Quand il photographie cette chute d’eau au Japon, il a alors 28 ans, vit déjà entre les États-Unis et l’Asie. Il n’a pas encore entamé « Seascapes », devenue aujourd’hui la série la plus demandée. Une épreuve gélatino-argentique en format 47 x 58 cm, et en édition de 5, coûte désormais entre 35 000 et 40 000 dollars (entre 30 000 € et 34 000 €), un prix supérieur à une photographie de « Theater », qui dans le même format commence entre 25 000 et 30 000 dollars (entre 21 300 € et 25 500 €). Le prix d’une pièce de « Five Elements » n’est quant à lui pas inférieur à 80 000 dollars (68 000 €).

 

 

Hiroshi Sugimoto, Surface Tension,
jusqu’au 22 décembre, Galerie Marian Goodman, 79, rue du Temple, 75003 Paris ; et aussi, « Snow White », jusqu’au 22 décembre, Marian Goodman Gallery, 5-8 Lower John Street, Londres.

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°490 du 1 décembre 2017, avec le titre suivant : Sugimoto, éloge de l’ombre

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