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ENTRETIEN

Pierre Dumonteil : « Laisser mon nom prospérer en liberté dans d’autres champs de l’art »

Galeriste

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 16 novembre 2022 - 841 mots

Pierre Dumonteil fête cette année les 40 ans de sa galerie, inaugurée en 1982, tandis que son fils Dorian a créé l’an dernier « Dumonteil Contemporary ».

Qu’est-ce qui vous a conduit à devenir galeriste ?

Je venais d’abandonner mon projet d’installation en tant que commissaire-priseur. Le métier changeait et ne correspondait plus à mes attentes ; j’ai décidé d’ouvrir une galerie, comme une évidence. Je rencontre mon épouse, Dothi, à ce moment-là, en 1981, et elle me pousse à aller dans ce sens. Il me paraît alors clair que le carré rive gauche, à Saint-Germain-des-Prés, est le quartier de Paris qui affiche une concentration énorme, et peut-être la plus grande au monde à l’époque, de spécialistes d’antiquités et d’œuvres d’art.

Pourquoi vous spécialisez-vous dans la sculpture animalière ?

Je vais d’abord m’orienter vers la sculpture figurative de l’entre-deux-guerres en recherchant des sculpteurs un peu oubliés à faire redécouvrir. Les relations anciennes me permettent de consacrer ma première exposition à Margaret Cossaceanu-Lavrillier, l’élève préférée de Bourdelle qui avait eu un magnifique début de carrière, avec notamment Germaine Richier. Décédée en 1980, il y a alors tout à reprendre. J’ai eu à cette occasion mon premier contact direct avec la fonderie Susse, avec laquelle j’ai régulièrement travaillé par la suite. À partir de là, avec Dothi qui commence à travailler avec moi, nous allons enchaîner les expositions de tous les grands sculpteurs figuratifs des Expositions internationales ou universelles de 1925, 1931, 1937, tels Henri Bouchard, Carlo Sarrabezolles, etc.

Nous commençons à nous intéresser à la sculpture animalière à partir de notre exposition « Visages lointains » consacrée à des artistes qui ont fait le voyage dans l’empire colonial et qui réalisent notamment des animaux exotiques. Jusque-là, nous avions un succès d’estime – il va devenir un grand succès commercial. Comme j’ai un certain penchant familial pour l’animal, puisque mon père était vétérinaire de campagne, je me spécialise rapidement dans ce domaine avec l’exposition-redécouverte du plus grand artiste ayant consacré son travail à l’animal : [Rembrandt] Bugatti. Et là c’est un immense succès. Ce qui m’amène certains ayants droit d’artistes disparus comme [Georges] Guyot, [Charles] Artus, et je deviens très immodestement le spécialiste de la sculpture figurative représentant l’animal au XXe siècle.

Où en est ce marché aujourd’hui ?

Il s’est beaucoup diversifié et est devenu très concurrentiel. Comme j’en avais fait découvrir l’essentiel et que je n’avais pas envie de rentrer dans cette concurrence, j’ai décidé de conserver en patrimoine ce que j’avais collectionné à titre personnel et d’ouvrir la galerie à des artistes contemporains. Et depuis trois ans, j’ai carrément arrêté les années 1930 pour me consacrer entièrement à cette nouvelle orientation.

En septembre 2008, vous inaugurez une galerie à Shanghaï…

En 2007, nous avons participé à un salon à Shanghaï. Une opportunité s’est alors présentée : en face des bureaux de notre transporteur, nous avons vu un très beau local. Nous avons fait une proposition de location au propriétaire, lequel, à notre étonnement, a accepté la proposition. On a pris l’espace sans savoir du tout où on allait. Et c’est une aventure qui dure encore aujourd’hui. Entre-temps nous avons changé deux fois d’adresse, en s’installant d’abord dans le quartier très historique puis dans un très bel espace en plein cœur de l’ancienne concession française, où nous exposons aujourd’hui principalement des artistes contemporains français ou occidentaux, aux côtés de quelques coups de cœur pour des artistes asiatiques.

Pour quelle raison ouvrez-vous également une galerie à New York en 2012 ?

Pour répondre à un souhait de Dothi. Nous avions participé là-bas à de nombreuses foires et nous voulions tenter l’expérience. Nous avons trouvé un lieu formidable, sur Park Avenue entre la 57e et 58e Rue. Dorian, notre fils, en a pris la direction pendant sept ans jusqu’à la fermeture, parce qu’il n’avait pas envie de faire sa vie là-bas et que la folie des loyers avait considérablement alourdi le renouvellement du bail.

D’où l’ouverture de « Dumonteil Contemporary » rue d’Aboukir, espace dont il est le directeur ?

Nous avons dans un premier temps travaillé ensemble rue de l’Université, puis, comme il voulait se consacrer de plus en plus à l’art contemporain, nous avons pris conscience de la nécessité d’avoir un espace plus important, qui permette de répondre aux critères de création de jeunes artistes. Nous avons trouvé cette adresse, qui est aujourd’hui sa propre galerie. D’où le nom de Dumonteil Contemporary. Il fallait que je laisse le nom prospérer en liberté dans d’autres champs de l’art.

Pourquoi cette exposition consacrée à Étienne-Martin ?

La boucle est bouclée. Lorsque j’ai ouvert ma galerie, ma relation personnelle avec Étienne-Martin, avec lequel j’étais très ami, m’aurait permis de devenir son marchand. Mais il avait à l’époque une telle notoriété qu’il n’avait pas besoin de moi. Aujourd’hui nous avons trouvé pertinent de nous rapprocher des ayants droit pour faire redécouvrir l’œuvre de ce très grand artiste et la ramener là où elle était, c’est-à-dire au sommet. C’est aussi une façon de légitimer les jeunes artistes, Tess Dumon, Charles Hascoët, Hugo Deverchère, que Dorian promeut, comme doit le faire tout galeriste.

ÉTIENNE-MARTIN, 1913-1995,
jusqu’au 3 décembre, Dumonteil Contemporary, 8, rue d’Aboukir, 75002 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°599 du 18 novembre 2022, avec le titre suivant : Pierre Dumonteil, galeriste : « laisser mon nom prospérer en liberté dans d’autres champs de l’art »

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