Galerie

ART CONTEMPORAIN

Piero Dorazio dans le rythme

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 14 avril 2021 - 527 mots

PARIS

Tornabuoni Art expose une sélection de toiles de 1959 à 2004 de cet artiste italien qui savait jouer de la ligne et de la couleur.

Paris. L’œuvre de Piero Dorazio (1927-2005) est plutôt mal connue en France. Et pour cause : l’actuelle exposition de Tornabuoni Art n’est que la seconde présentée en galerie à Paris, après celle de 2016, à cette même adresse, sous le commissariat de Serge Lemoine ; l’ex-directeur du Musée de Grenoble avait d’ailleurs organisé une rétrospective de l’artiste en 1990.

Composée de 25 toiles datées de 1959 à 2004, toutes issues du fonds de la galerie, la sélection présentée a au moins deux mérites. Elle rappelle d’abord qu’entre les deux grandes tendances dominant l’art italien des années 1960, le spatialisme conjugué à la monochromie avec Lucio Fontana ou Enrico Castellani et l’Arte povera avec Jannis Kounellis ou Giuseppe Penone, il en existe une troisième exclusivement axée, elle, sur la recherche picturale et dont Dorazio est l’une des figures majeures. En bref, quand Alberto Burri brûle ses toiles, Dorazio peint les siennes.

Couvrant pratiquement toutes les périodes d’un artiste qui fonctionnait par cycle d’une durée de quatre ou cinq ans, l’ensemble montre ensuite parfaitement en quoi la peinture de Dorazio est importante et comment il a passé sa vie à travailler la couleur pour évoquer la lumière – ou peut-être l’inverse, comment il a peint la lumière pour parler de la couleur. Dans ce résumé complet de son parcours où ses grands moments sont représentés, on découvre quelques belles raretés, peu montrées voire inédites, comme ce grand Madrigale Umbro II° [voir ill.] de 1978-1979, en référence à la culture traditionnelle ombrienne, ou ces trois très beaux tableaux de la série des « Reticoli » dont l’un est daté de 1962. Intitulé Jeux de distance, celui-ci indique explicitement la marche à suivre pour que le spectateur ait l’impression, en se reculant, d’être en face d’un tableau assez monochrome et pour qu’il découvre, en s’approchant, que la trame est constituée d’une multitude de tonalités et nuances très subtiles de couleurs.

D’une œuvre à l’autre sont ainsi révélées les différentes méthodes de travail de l’artiste qui combine la trame, la grille, les nids-d’abeilles, la sédimentation, la superposition, la juxtaposition de ses lignes et traits pour en faire de parfaits vecteurs et supports des couleurs. Dans certains cas, on pourrait même parler de portées au sens musical du terme, tant Dorazio donne du rythme à ses œuvres. Il pouvait aller aussi jusqu’au collage, en découpant à la manière de Matisse des lambeaux de toiles peints pour les maroufler ensuite sur une toile écrue, à l’exemple de Tor (1972), et donner des horizons à ses bandes chromatiques.

De 30 000 à 450 000 euros, les prix font le grand écart en fonction du format des œuvres et de leur série d’appartenance. La cote de celles parmi les plus recherchées peut paraître élevée. Il ne faut pourtant pas oublier que, si Dorazio est peu connu en France, il est très reconnu aux États-Unis où il a dirigé la Graduate School of Fine Arts de l’Université de Pennsylvanie de 1960 à 1968 et il est présent dans les collections de nombreux musées américains.

Piero Dorazio, Textures lumineuses,
initialement jusqu’au 8 mai, Tornabuoni Art, 16, avenue Matignon, 75008 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°565 du 16 avril 2021, avec le titre suivant : Piero Dorazio dans le rythme

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