Photographie

Photographies anciennes, les prix restent soutenus

Par Marie Potard · L'ŒIL

Le 25 octobre 2023 - 830 mots

Si ce marché s’est relativement stabilisé, il reste dynamique pour les clichés inédits et de qualité.

Sur le marché de la photographie se trouve un segment à part, celui de la photographie ancienne, que les experts s’accordent à délimiter au XIXe siècle. Il se découpe en deux phases : celle des primitifs, qui va depuis les origines, de 1839 avec la commercialisation du daguerréotype, jusqu’en 1860. Cette période rassemble les précurseurs tels que Gustave Le Gray, Charles Nègre, Henri Le Secq, Édouard Baldus, les frères Bisson, etc. Les clichés de cette époque sont très recherchés, notamment les tirages sur papier salé. La seconde période, de 1860 à 1900, est marquée par l’évolution rapide des techniques (apparition de l’albumine, des papiers à sensibilité plus poussée, davantage de netteté et naissance de l’instantané). Dans les années 1885-1890, apparaît le premier mouvement artistique photographique : le pictorialisme, courant qui souhaite ériger la photographie en un art autonome (Constant Puyo, Robert Demachy, etc.). Le marché de la photographie ancienne prend son essor dans les années 1975-1980, mais c’est avec les grandes ventes qui ont lieu dans la spécialité qu’il y a une prise de conscience. Avec la dispersion de la collection Marie-Thérèse et André Jammes, en 1999, 2002 et 2008, chez Sotheby’s Londres et Paris, les prix explosent. D’autres ventes feront date, comme celles des collections Gérard Lévy (2016-2017) et François Lepage (2022).Il y a une dizaine d’années, les prix étaient encore accessibles, permettant de constituer facilement une collection avec des épreuves de qualité. Aujourd’hui, de moins en moins de photos de ce type sont disponibles sur le marché : plus rares, elles sont donc plus chères. En 2011, un cliché de Billy the Kid (1880), le seul connu à cette date, a ainsi été adjugé à Denver 2,3 millions de dollars !Les critères rentrant en compte dans l’établissement du prix sont si nombreux qu’il est difficile d’établir une fourchette. Mais pour les photos primitives – les plus chères –, les prix débutent entre 2 000 et 6 000 euros, pour culminer à un peu moins d’un million. Quant à la notion de tirage, elle n’entre pas vraiment en compte, car il est impossible de savoir combien d’exemplaires ont été réalisés à l’époque.

Quelques exemples de prix 313 750 € (est. 170 000 à 270 000 €)

1_charles Nègre  - Cette photographie célèbre représente le photographe Henri Le Secq derrière une gargouille d’une des tours de Notre-Dame. Elle faisait partie de la troisième vente consacrée à la dispersion de la collection Jammes, accompagnée de son négatif. Classée trésor national, elle avait été préemptée par l’État pour le Musée d’Orsay où elle est conservée. Cette image allie le goût de Nègre pour l’architecture gothique, à laquelle il a consacré de nombreux clichés, et son amour pour le Paris moderne, qu’il est parmi les premiers à avoir photographié.

Sotheby’s Paris, le 22 mars 2002
917 000 €

2_gustave Le Gray  - Les années 1856-1859 sont considérées comme étant l’apogée de la carrière de Le Gray, l’un des photographes du XIXe siècle les plus renommés. C’est à cette époque qu’il produit sa série la plus célèbre, dont est issue cette photo (provenant de l’ancienne collection de Charles Denis Labrousse) : des marines, réalisées principalement en Normandie et à Sète. Il utilise ici la technique des « ciels rapportés ». À époque, il était difficile de reproduire simultanément ciel et paysage ; Le Gray réalisait donc des tirages en deux temps, un négatif pour le paysage, l’autre ensuite pour le ciel.

Rouillac (Vendôme), le 18 juin 2011
546 000 € (est. 60 000 à 80 000 €)

3_alphonse-eugène hubert  - Si la première photographie connue a été réalisée par Nicéphore Niépce en 1827 (Le Point de vue du Gras), il est de coutume de dater l’apparition de la photographie avec l’invention du daguerréotype par son assistant Louis Daguerre (1787-1851). Le procédé consistait à fixer l’image sur une plaque de cuivre recouverte d’argent et développée aux vapeurs d’iode. Ce cliché, réalisé par Hubert, l’assistant de Daguerre, appartenait à la collection François Lepage et est devenu le daguerréotype le plus cher vendu en France. Il a été acquis par le Museum of Fine Arts de Houston (Texas).

Millon (Paris), le 10 novembre 2022
Estimation 6 000 à 8 000 €

4_nadar (gaspard Félix tournachon, dit)  - Cette épreuve inédite risque de mettre le feu aux enchères, car seules trois images d’étude de nu réalisées par Nadar sont connues et référencées dans les institutions. Mieux, la vente du 14 novembre recèle au total cinq nus. Rarissime. Le photographe est en effet surtout célèbre pour ses portraits de célébrités de l’époque, écrivains, artistes et hommes politiques comme Sarah Bernhardt, Gustave Courbet ou Charles Baudelaire : tous ont posé devant son objectif. En 2017, chez Phillips New York, son portrait d’Alexandre Dumas, 1855, sur papier salé, a été adjugé 76 000 euros.Ce cliché provient du fonds de la famille d’Eugène Vézy, administrateur de la Société générale de photographie Félix Tournachon, "Nadar & Cie".

Millon (Paris) le 14 novembre 2023

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°769 du 1 novembre 2023, avec le titre suivant : Photographies anciennes, les prix restent soutenus

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