Trente ans après l’ouverture de sa galerie, Patrick Fourtin livre son regard sur l’évolution du marché Art déco, qui connaît un engouement constant.
Installé rue des Bons-Enfants à Paris depuis 1995, le discret marchand Patrick Fourtin est spécialisé dans les arts décoratifs du XXe siècle, avec une prédilection pour l’Art déco. Membre du SNA et de la Compagnie des experts en art (CEA), il mêle dans ses espaces pièces historiques et créations contemporaines.
J’ai commencé aux Puces et en appartement, de façon assez confidentielle. Quand je me suis installé rue des Bons-Enfants, le quartier était encore en friche : un parking hideux, le ministère de la Culture en chantier… Aujourd’hui, tout a changé, même si les loyers ont flambé.
À l’époque, les gens se rendaient beaucoup plus dans les galeries :marchands et décorateurs faisaient vraiment le circuit. Cependant, depuis l’ouverture de la collection Pinault, nous avons vu revenir des Parisiens absents depuis longtemps. La semaine d’Art Basel Paris a aussi amené du passage. Trente ans plus tard, j’ai la chance d’aimer ce que je fais et d’avoir des clients formidables – grands connaisseurs ou fidèles.
Depuis mes débuts, j’ai toujours eu des pièces Art déco et à côté – j’ai été parmi les premiers à le faire – des pièces contemporaines.
Je suis dingue de Pierre Legrain, des créateurs ayant participé à la décoration des intérieurs de Jacques Doucet, Jean-Michel Frank… Côté contemporain, j’aime Pierre Gonalons, qui a une vraie personnalité ; Hervé van der Straeten, à la qualité bluffante, digne de Ruhlmann et André Dubreuil.
Oui, au PAD London, mais les pièces sont encore visibles à la galerie. Parmi elles, deux créations inédites d’Eugène Printz commandées dans les années 1930 par un collectionneur et proche de l’artiste pour sa maison parisienne. L’une d’elles est un meuble d’apparat dont la façade en métal a été réalisée par Jean Dunand. Je présente aussi la lampe personnelle de Jacques Doucet, vers 1920, en cristal de roche. La gamme des prix s’étend de 3 000 à 100 000 euros, pour une moyenne autour de 20-30 000 €.
Très bien. Les belles pièces déclenchent de vraies batailles : marchands, collectionneurs… Rien ne passe inaperçu. Pour certaines signatures exceptionnelles, depuis vingt ou trente ans, les prix ont pu être multipliés par deux, dix ou cent, selon les provenances. Globalement, les prix « se tiennent » entre galeries et ventes, sauf pour les chefs-d’œuvre hors norme.
Les belles pièces sont de plus en plus rares, plus difficiles à trouver et la concurrence est énorme. J’évite d’acheter en salle des ventes – aucune des pièces que je présente actuellement n’y a été vue. Mon travail, c’est le réseau, les opportunités, les gens qui me signalent des pièces.
Nous avons une base fidèle et des jeunes qui s’y intéressent vraiment. Nous vendons à des particuliers et à des décorateurs, avec beaucoup de demandes de photos, de dossiers. Le site Internet et Instagram offrent une visibilité, mais les ventes « ping-pong » en ligne ne fonctionnent pas trop dans mon cas. Ma clientèle est pour moitié française et étrangère, avec des Parisiens du quartier, des Belges, Allemands, Américains...
Les lignes. Les jeunes créateurs s’en inspirent : tout le monde se prend un peu pour Jean-Michel Frank. Aujourd’hui, on reprend les typologies – avec d’autres matériaux –mais l’exigence de qualité reste, ce qui distingue les meilleurs contemporains.
Tant qu’il y aura des collectionneurs et des galeries passionnées, le marché restera solide. La pédagogie compte : montrer des chefs-d’œuvre comme l’a fait récemment la galerie Vallois à FAB, avec des pièces muséales non à vendre, crée l’appétence des jeunes publics. L’exposition 1925 au MAD le montre : on s’émerveille, et c’est le début de l’intérêt. La relève des marchands existe, en France et à l’étranger.
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Patrick Fourtin : « Les belles pièces Art Déco sont de plus en plus difficiles à trouver »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°666 du 28 novembre 2025, avec le titre suivant : Patrick Fourtin, galeriste, expert en mobilier et arts décoratifs du XXe siècle : « Les belles pièces Art Déco sont de plus en plus difficiles à trouver»





