Entretien

Matthieu Humery, expert pour la photographie, Christie’s France

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 23 mai 2011 - 693 mots

Armelle Malvoisin : Que faisiez-vous avant d’entrer chez Christie’s ?
Matthieu Humery : Entre 2001 et 2005, j’ai travaillé au département photographie chez Phillips de Pury & Company, à Paris et New York. Ensuite, j’ai rejoint la Fondation Luma fondée en 2004 par Maja Hoffmann [lire p. 6] à Zurich, qui a notamment sponsorisé les Rencontres d’Arles. J’ai été consultant pour l’agence Magnum à Paris et pour la Watermill Foundation, qui abrite à Watermill [New York] la collection d’art de Robert Wilson, avant de prendre la direction du département photo de Christie’s à New York en 2007. Depuis septembre 2010, je suis principalement basé à Paris, tout en continuant à travailler sur les ventes new-yorkaises. 

A.M. : Le marché de la photographie a pris un nouvel essor à Paris avec le salon international Paris Photo. Est-ce la raison pour laquelle Christie’s redéploie son département à Paris ? 
M.H. : Paris Photo a redonné une dynamique au marché français que Christie’s soutient depuis l’an dernier en organisant au moment du salon une vente à Paris. En novembre 2010, nous avons offert 65 tirages de Richard Avedon provenant de la Fondation Richard Avedon, adjugés en totalité pour 5,4 millions d’euros, avec un record à 841 000 euros pour le photographe et pour une photo aux enchères en France. Avedon est très connu aux États-Unis où il était représenté par Jeffrey Fraenkel, avant, aujourd’hui, Larry Gagosian. La Fondation Avedon, qui voulait faire connaître son travail [au-delà des Etats-Unis], a été convaincue, grâce au succès de la vente Saint Laurent-Bergé [en février 2009], que l’on pouvait toucher des acheteurs internationaux à Paris. Nous essayons aussi de présenter une collection de photos au printemps, comme ce fut le cas le 30 juin 2010 avec la collection Gert Elfering de photographies de Jeanloup Sieff. Cette année, nous avons une autre vacation thématique, le 30 mai, autour d’une collection privée de 23 photographies de Pierre et Gilles, l’une des plus importantes au monde. 
A.M. : Cette collection de photos renvoie à un univers gay…
M.H. : Le propriétaire, qui a réuni cet ensemble en quinze ans, est l’un des premiers collectionneurs qui montra un intérêt particulier pour le duo créatif. Les œuvres ont été principalement achetées chez Jérôme de Noirmont. Cette collection centrée sur la représentation du nu masculin, vise en effet un marché gay. Elle va toucher des gens qui ne sont pas forcément des collectionneurs d’art contemporain, ni des acheteurs de photos. En ce sens, c’est une vente pionnière. L’exposition ne sera pas en accès libre. Sur le site Internet de Christie’s, les photos les plus explicites (lots 17 et 19) ne sont visibles qu’avec un code d’accès délivré par Christie’s sur demande. 

A.M. : Quelle est la cote des photos de Pierre et Gilles ?
M.H. : On ne voit pas souvent d’œuvres du couple de photographes sur le marché. Leur cote est relativement stable. Le prix record en vente publique a été établi le 13 novembre 2003 à New York chez Phillips de Pury pour La Madone au cœur blessé, Lio (1991), vendue 196 500 dollars (170 000 euros). 

A.M. : Comment avez-vous estimé cette collection ?
M.H. : Ce sont toutes des pièces uniques, en excellent état. La règle du jeu pour ce genre de collection est de proposer des estimations raisonnables. Les prix varient en fonction de la dimension des œuvres, mais aussi du caractère emblématique des images. Gai Paris (1988), Le Petit Jardinier (1993), Le Fumeur de narguilé ou encore David et Jonathan sont des pièces iconiques, estimées entre 25 000 et 35 000 euros. 

A.M. : Que pensez-vous du potentiel d’Internet dans votre domaine ?
M.H. : Il est en croissance constante. Nous vendons beaucoup de photos en ligne sur Christie’s Live™, sans que les acheteurs ne les aient forcément vues. Plutôt dans une gamme de prix allant de 3 000 à 20 000 euros. Cependant, le montant des achats en ligne est de plus en plus important. C’est un marché en lequel les collectionneurs ont confiance. Ils connaissent les images qu’ils veulent acheter, généralement des multiples. Il leur suffit alors de demander un rapport de condition pour ne pas avoir de surprise. 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°348 du 27 mai 2011, avec le titre suivant : Matthieu Humery, expert pour la photographie, Christie’s France

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