Galerie

Masmonteil, le paysage en toile de fond

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 31 janvier 2019 - 737 mots

PARIS

Si les vastes toiles de ciels et de nuages à perte d’horizon de l’artiste sont un moyen de s’approprier l’histoire de la peinture, elles révèlent aussi son vif plaisir à peindre.

Paris. Le galeriste Thomas Bernard et l’artiste Olivier Masmonteil (né en 1973) se connaissent depuis un peu plus de vingt ans : ils étaient sur les mêmes bancs à l’École nationale des beaux-arts de Bordeaux. Lorsque le premier a proposé au second d’intégrer son équipe, il lui a tout de suite fait part de son envie de démarrer cette collaboration par le commencement, c’est-à-dire par les débuts de l’artiste, à partir de 2002. Cela tombait bien, puisqu’au même moment (l’année dernière) Olivier Masmonteil était plongé dans ses archives pour réaliser l’imposante monographie (272 pages pour 2,2 kg) qu’il vient de sortir aux Éditions Cercle d’art. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que la sélection d’une quinzaine de toiles ici présentées soit marquée par le thème du « Paysage » (titre de l’exposition), qui domine son travail depuis plus de quinze ans et depuis sa première exposition personnelle en galerie, chez Suzanne Tarasieve en 2003. « Le paysage a été mon partenaire pour rentrer en peinture. Il correspond à mon premier chapitre, à une période que j’ai intitulée “La possibilité de peindre” », rappelle l’artiste.

Ici, les premiers paysages sont datés de 2006. Les derniers de 2018. Entre les deux, Masmonteil a fait deux tours du monde (l’un en 2008-2009, l’autre en 2011-2012). Sans doute pour vérifier la réalité de l’imagination, aller voir sur place, si ce qu’il avait en tête tenait debout et rapporter des photos comme points de départ possibles pour de nouvelles œuvres. Si certaines d’entre elles se réfèrent ainsi explicitement à des sites précis comme La Rangita Valley (de 2010), la plupart des toiles évoquent des paysages imaginés, dominés par la même écriture et construits autour de « la rencontre de deux conceptions : la conception européenne qui, depuis la Renaissance, a fait du tableau une fenêtre ouverte sur l’extérieur. Et la conception américaine pour laquelle le tableau est un mur sur lequel on s’exprime », indique Masmonteil. Lui, combine les deux, il inscrit la fenêtre dans le mur et juxtapose abstraction et figuration. Ce qui donne des lignes horizontales de couleurs, parfois presque fluo, dans la partie inférieure du tableau et des ciels avec nuages dans la partie supérieure, grâce auxquels les lignes précitées se prennent tout d’un coup pour des lignes d’horizon. Dit autrement : sans le haut, il n’y a pas de bas.

Jeux de superpositions

Quand il ne regarde pas le ciel, l’artiste, qui a d’ailleurs réalisé le plafond du Pavillon Ledoyen, le restaurant du chef triplement étoilé Yannick Alléno, l’été 2017, sait aussi se pencher sur l’humain, les objets quotidiens et l’histoire de la peinture. Et quand il ne juxtapose pas ses plages de couleurs, il superpose ses sujets. Ainsi, dans des tableaux qui appartiennent à son second chapitre intitulé « Le plaisir de peindre », peut-on voir un paysage, en arrière-plan cette fois, sur lequel Masmonteil est venu sérigraphier un motif de papier peint, ou peindre des papillons. Ou encore des carafes comme on en découvre dans son autre exposition organisée parallèlement à la galerie Scène ouverte. Dans certains tableaux, Masmonteil a troqué le paysage contre la copie d’un tableau classique, de Boucher, Poussin ou Rubens, de la même manière qu’il y a quelques années il avait emprunté à Ingres ses dames de Moitessier ou de Broglie pour jouer avec les rais de lumière sur leurs étoffes et leurs drapés. Apposé sur ce fond que constitue l’appropriation, le motif sérigraphié, ajouré comme un moucharabieh, accentue le côté voyeur (Suzanne et les vieillards, Diane au bain…), et multiplie le jeu pictural par un principe de filtre, de transparence, de perspectives et de télescopages. Il met en avant cette jubilation de peindre caractéristique de sa démarche, qui aime conjuguer les styles, les formes, les époques, les cultures, les techniques, les genres, du nu à la nature morte en passant bien sûr par le… paysage.

La cote des œuvres est moins complexe, et oscille entre 6 000 euros pour le plus petit tableau à 27 500 euros pour le plus grand. Des prix très précis qui correspondent à la somme de la hauteur et de la largeur de l’œuvre, multipliée par une clef, un facteur préalablement calculé en fonction de l’évolution du marché de l’artiste, parfaitement logique compte tenu de son âge et de sa carrière.

Olivier Masmonteil, Paysage,
jusqu’au 28 février, galerie Thomas Bernard-Cortex Athletico, 13, rue des Arquebusiers, 75003 Paris et galerie Scène Ouverte, 6, allée du Beaupassage, 53-57, rue de Grenelle, 75007 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°516 du 1 février 2019, avec le titre suivant : Masmonteil, le paysage en toile de fond

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