Galerie

Entretien

Lorenzo Fiaschi, codirecteur de la Galerie Continua

« Notre galerie de Pékin a renforcé la confiance »

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 26 mai 2006 - 779 mots

Avec Mario Cristiani et Maurizio Rigillo, vous avez ouvert en 1990 votre galerie en périphérie des grandes places du marché. Comment avez-vous réussi à attirer les artistes internationaux à San Gimignano (Toscane, Italie) ?
San Gimignano a l’image d’une ville touristique, donc les gens pensaient qu’une galerie ne pouvait qu’y être touristique. Les choses ont changé en 1995, quand, dans sa folie, Panamarenko a accepté de venir chez nous. Il a servi de déclencheur pour d’autres artistes. Ici, on essaie de leur proposer une situation avec des matériaux différents, d’autres énergies. Au début, nous produisions sans concevoir de budget ! Toutes les installations imaginées par les artistes ont été réalisées, même les plus folles ou les plus compliquées, comme Ascension d’Anish Kapoor. On peut faire des expositions de qualité partout. Si c’est bien, les gens se déplacent. Mais les ventes s’effectuent en dehors du périmètre de la ville. Dans notre chiffre d’affaires, il n’y a pas un achat d’un touriste.

Vous avez ouvert depuis un an une galerie à Pékin, avec une programmation à 70 % occidentale. Quelle est l’origine de cette aventure ?
On nous a proposé de participer à la Foire d’art contemporain de Pékin en avril 2004, et nous avons sauté sur le cheval ! En même temps, à l’époque, nous souhaitions sortir de San Gimignano, sans ouvrir pour autant une antenne à Londres, à New York ou à Berlin. Nous voulions le même esprit de périphérie qu’en Toscane. Nous avons trouvé un local de 1 200 m2 dans le 798 District, qui est un mélange de Chelsea et de Soho. Une heure avant chaque vernissage, un peloton de policiers se poste dans la galerie pour vérifier s’il n’y a pas de dissidents ou si les œuvres ne sont pas contre le régime. Ils peuvent fermer la galerie quand ils le veulent. Nous avons d’ailleurs pris un risque important, car nous y avons fait de très gros travaux, alors que notre bail s’achève fin 2007. Nous ne savons pas ce que décidera à cette échéance l’État, qui est propriétaire du bâtiment.

Qu’est-ce que cette antenne a apporté à votre activité, et quelle analyse faites-vous du marché chinois ?
Nous avons eu avec cette ouverture une grosse visibilité internationale et un retour médiatique énorme. Jusqu’à présent, nous n’avons pas vendu une seule pièce à un Chinois. Ils peuvent payer 400 000 dollars [312 475 euros] pour un peintre chinois post-pop, mais pas encore pour Anish
Kapoor, qu’ils ne connaissent pas. Bien que nous ne vendions actuellement pas aux Chinois, notre chiffre d’affaires a augmenté de 20 à 25 %, car l’ouverture d’une galerie à Pékin a renforcé la confiance des collectionneurs.
Je pense que d’ici deux à trois ans, quand les Chinois se seront réapproprié leur propre culture, ils voudront se laisser séduire par la sensibilité occidentale. D’ailleurs, au vernissage de Loris Cecchini, en avril, il y a eu deux mille deux cents visiteurs en deux heures.

L’une de vos artistes, Berlinde de Bruyckere, figure à la Biennale de Berlin. Comment parvenez-vous à rester sa galerie mère, alors qu’elle a intégré depuis 2004 la puissante enseigne zurichoise Hauser & Wirth ?
Si Berlinde a la notoriété qu’elle a, c’est grâce à nous. C’est chez nous que Francesco Bonami a vu son travail. Il l’a ensuite invitée à la Biennale de Venise en 2003. C’est d’ailleurs là que la galerie Hauser & Wirth l’a découverte. Certes, on ne peut pas mettre sur le même plan leur force économique et la nôtre. Mais Berlinde a conscience de ce que l’on fait, et elle n’éprouve pas le besoin d’être représentée comme première galerie par une grande enseigne. Nous avons d’ailleurs un rapport complice avec Hauser & Wirth.

Les Français déplorent souvent le manque de visibilité de la scène hexagonale à l’étranger. Qu’en est-il pour les artistes italiens, qui représentent près de 50 % de votre liste ?
C’était difficile, mais, depuis deux ans, on sent davantage d’intérêt. Cela fait un bon moment que les gens entendaient parler de Maurizio Cattelan et de Vanessa Beecroft et se demandaient s’il y avait autre chose. Mais, en Italie, la question de l’exportation des artistes n’est pas un sujet de préoccupation nationale. En France, les artistes ont été soutenus par les Fonds régionaux d’art contemporain [FRAC] ou par le Fonds national d’art contemporain [FNAC], peut-être moins maintenant. Chez nous, les particuliers achètent, mais les institutions quasiment pas. Au début, nous ne vendions les artistes italiens qu’aux collectionneurs locaux. Depuis cinq à six ans, c’est à 50 % à l’étranger. Il reste pourtant une faiblesse du marché de l’art italien. Je ne comprends pas pourquoi un Michelangelo Pistoletto coûte moins cher qu’un Damien Hirst !

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°238 du 26 mai 2006, avec le titre suivant : Lorenzo Fiaschi, codirecteur de la Galerie Continua

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