Ventes aux enchères

L’expérience client, préoccupation des maisons de ventes

Par Martine Robert · L'ŒIL

Le 26 février 2020 - 714 mots

Des entreprises séculaires comme Christie’s ou Sotheby’s se réinventent. Outre les enchères, elles cherchent de nouvelles façons de séduire bien au-delà des collectionneurs habituels : en vendant autrement et en devenant des destinations culturelles.

En septembre, la maison de vente aux enchères Christie’s investira l’ex-galerie Vercel de l’avenue Matignon, pour « avoir une vitrine à l’année et montrer à nos clients qu’il se passe toujours quelque chose chez nous, que nous sommes une destination culturelle à part entière », confie Cécile Verdier, la présidente de Christie’s France. Elle veut organiser dans cet espace supplémentaire des événements variés : expositions, conférences, concerts… Alors que le marché de l’art, en France comme dans le monde, est relativement étale et que les marges sont serrées dans un contexte concurrentiel, chaque maison fourbit ses armes pour renforcer « l’expérience client ». Et cela passe par une dimension à la fois plus « événementielle » du métier et plus digitale pour « mieux exploiter les données clients et leur proposer les services les plus pertinents avant, pendant, et après la vente », confie-t-on dans l’entourage de l’homme d’affaires Patrick Drahi, le nouveau propriétaire de Sotheby’s.

S’adapter

Sur le premier volet, toutes les maisons développent les expositions-ventes, « un canal supplémentaire pour maintenir une relation conviviale avec nos clients, notamment quand nous ne sommes pas en période de ventes aux enchères », explique Adrien Meyer, directeur des ventes privées de Christie’s dans le monde. À Londres en novembre, l’entreprise a ainsi présenté des tableaux anciens et des antiquités à vendre, à côté de bijoux et de robes signés Dolce & Gabbana, en partenariat avec la maison de couture : devant le succès et l’affluence, l’exposition censée durer trois semaines, a été prolongée. À New York, en janvier, Christie’s a même empiété sur les plates-bandes des galeries d’art, exposant des œuvres de premier marché de deux artistes japonais vivants, Tadaaki Kuwayama et Rakuko Naito.

Le français Artcurial, qui, dès sa création, a fait de son siège de l’hôtel Dassault un lieu de vie avec expositions, librairie et restaurant, se diversifie peu à peu, au-delà de l’art, dans tous les investissements plaisir, représentées par Arqana pour les chevaux de course, John Taylor pour l’immobilier de prestige et les yachts, Collector Square pour les articles de luxe à prix fixe et on line. À la tête du groupe, Nicolas Orlowski ne s’en cache pas : « On propose à la fois des prix fixes et des prix variables, sur Internet ou en salle, car chacun ne veut pas acheter de la même façon. »

Dans tous les cas, il faut offrir un environnement propice à l’achat et aborder le client par toutes ses envies. Ainsi, dans la loge qu’Arqana loue à l’année à l’hippodrome de Longchamp, Artcurial organise des dégustations de vins ou des expositions de montres, que ses invités peuvent découvrir entre deux courses hippiques. Et déjà les synergies opèrent : Artcurial adresse beaucoup d’acheteurs à John Taylor. Et une belle villa au bord de la mer peut inciter à acquérir de l’art ou un yacht…

Inventer des métiers et des marchés

Basée à New York, Sotheby’s a déjà sa place de marché sans enchères, dédiée aux pièces de design sourcées auprès de particuliers ou de marchands, Sotheby’s Home, tandis que sa branche vin, Sotheby’s Wine, dispose même de boutiques. Cécile Bernard, la directrice générale France de Sotheby’s, vient d’être nommée responsable mondiale des opérations, chargée d’inspecter les quatre-vingts bureaux et dix salles de ventes situées dans quarante pays pour optimiser les transactions, mais aussi pour revoir les conditions d’exposition des œuvres afin que chaque lieu soit moins exclusivement tourné vers les collectionneurs habitués des enchères mais davantage vers un plus large public, intéressé par d’autres formes de ventes.

Pour le commissaire-priseur et président de Drouot Alexandre Giquello, une certitude : « Le secteur doit inventer des métiers et des marchés. » À l’hôtel des ventes du 9e arrondissement, où opèrent une soixantaine de maisons de ventes, tous les moyens sont bons pour rajeunir et élargir la clientèle, de l’accueil d’une foire de street art aux apéros du jeudi soir. « Il faut trouver de nouveaux clients et des points d’entrée pour les toucher, mieux comprendre les attentes, les façons de vivre, et offrir des moments exclusifs à nos clients, leur ouvrir des portes qu’ils ne peuvent ouvrir sans nous », confirme Dirk Boll, président de Christie’s Europe.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°732 du 1 mars 2020, avec le titre suivant : L’expérience client, préoccupation des maisons de ventes

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