Les Ruhlmann de Pierre Hebey en octobre à Drouot

Une des plus grandes collections d’Art déco jamais vendue à Paris est estimée environ 30 millions de francs

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 27 août 1999 - 729 mots

Pierre Hebey,a été l’un des premiers collectionneurs d’Art déco. Comme Hélène Rochas, Yves Saint Laurent ou Karl Lagerfeld, il figure parmi les précurseurs qui se sont aventurés dès la fin des années soixante dans cette spécialité alors négligée. Cinquante-six pièces de sa collection – toutes signées Ruhlmann – seront dispersées le 28 octobre par l’étude Millon, assistée du cabinet Camard, qui les estime à environ 30 millions de francs.

PARIS - La passion de collectionner s’empare très tôt de Pierre Hebey. À quatorze ans, il achète dans une salle des ventes d’Alger, pour quelques francs, une lampe et un lustre en chrome. À vingt ans, il se fait offrir par ses parents, pour fêter l’obtention d’un diplôme d’études supérieures, un dessin d’Yves Tanguy. Il commence alors à s’intéresser au Surréalisme avant de s’ouvrir à l’Abstraction, au contact notamment des œuvres de Fautrier et de Poliakoff. Il fréquente de nombreux artistes, comme Max Ernst, Bram Van Velde, Alechinsky, Tinguely ou Niki de Saint Phalle, dont il devient le conseiller et l’ami. Parallèlement à sa passion pour la peinture, Pierre Hebey s’éveille aux arts décoratifs du XXe siècle qu’il se met à collectionner après la guerre. Vers 1955, ses préférences vont à l’Art nouveau. Ce n’est qu’à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix qu’il s’enthousiasme pour les meubles de Ruhlmann, Süe et Mare ou Printz.

“J’ai fait la connaissance de Pierre Hebey il y a une trentaine d’années, explique l’expert Jean-Pierre Camard. Pour la plupart des gens, le style “métro, Guimard ou Mucha” était synonyme de kitsch, mais Pierre Hebey, alors jeune et brillant avocat d’affaires, était l’un des rares particuliers qui, avec une phalange de marchands déterminés à réussir, s’intéressait aux arts décoratifs. En professionnel, il fréquentait assidûment les Puces, se révélant un concurrent sérieux pour les antiquaires.”

Les cinquante-six pièces de Jacques-Émile Ruhlmann provenant de la collection Geneviève et Pierre Hebey couvrent la carrière du créateur de 1913 à sa mort, en 1933. Cet ensemble témoigne de l’amour de Ruhlmann pour les beaux placages, en ébène de Macassar, loupe d’amboine, ronce de noyer, palissandre ou bois de violette. La commode “Lassale”, en placage d’ébène de Macassar, illustre le goût de l’ébéniste pour les matières nobles, le raffinement et l’originalité. La façade, veinée verticalement et divisée en losanges par une suite de filets d’ivoire, ouvre à quatre tiroirs, tous en acajou massif. La table-liseuse ou table de présentation d’estampes, modèle “Cla-Cla” (400-600 000 francs), dont le plateau s’incline à six positions, a été réalisée vers 1926 en ébène de Macassar et macassar massif, tandis que la bibliothèque éclairante, dite “Sulzer”, est en placage d’acajou et acajou massif. “Pierre Hebey s’est résolu à vendre car il estime que sa collection est achevée. Une collection qui ne s’enrichit plus n’est plus pour lui digne d’intérêt”, confie Jean-Pierre Camard.

Agrément et confort
Le souci de l’agrément et du confort apparaît très nettement dans les fauteuils et sièges créés par Ruhlmann : par exemple, la bergère modèle “Doucet” de 1913, en ébène de Macassar, au haut dossier en ogive à bâti, dont le fauteuil et le coussin sont garnis de velours noir à motif de damiers brodées de fils brillants (500-700 000 francs). Même recherche du confort pour les fauteuils dits “du Collectionneur”, en ébène de Macassar, au haut dossier mouluré, à l’assise et au coussin recouverts de velours bleu nuit à motif de cannage brodé (80-100 000 francs). Ruhlmann accordait également un soin particulier à l’outillage mécanique : la chaise-longue dite du “Maharadjah” en laque noire de 1929 (1,2-1,5 million de francs) comporte un panneau équipé de boutons de commandes électriques sertis dans une plaque de bronze-chrome-argent, une clé en bronze règlant l’inclinaison à quatre positions du dossier. Elle repose sur un curieux piètement à deux skis en bois laqué noir comportant des spatules. Cette chaise a été vendue dans les années soixante autour de 60 000 francs.

Outre les commodes, fauteuils, consoles, tables, guéridons et bureaux seront présentées quelques lampes : de type “Bouillotte”, une lampe de table en bronze-chrome-argent dont le haut pied s’épanouit en corolle et l’ample abat-jour, en tôle laquée brun-rouge, coulisse le long du fût et se bloque au moyen d’une vis (300-400 000 francs) ; ou encore un lampadaire de parquet entièrement décoré de laque coquille d’œuf blanc sur fond noir, au large socle en doucine reposant sur quatre patins en bronze doré.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°87 du 27 août 1999, avec le titre suivant : Les Ruhlmann de Pierre Hebey en octobre à Drouot

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