Foire & Salon

PARIS ART WEEK 2025 | La semaine de l'art contemporain : foires off

Les foires « off » dessinent aussi la carte du marché

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 23 octobre 2025 - 1478 mots

Cette année encore, malgré – ou à cause de – la morosité économique, de nombreuses manifestations « off » se déroulent pendant Art Basel Paris.

Paris Art Week 2025 © Studio Artclair
Paris Art Week 2025
© Studio Artclair

Paris. Le phénomène des foires parallèles aux grandes manifestations commerciales est relativement récent : en France, il s’est affirmé depuis une vingtaine d’années avec la Fiac (Foire internationale d’art contemporain). Ces événements tirent leur existence de l’attractivité de la foire principale : nombre de galeries cherchent à capter l’attention des collectionneurs étrangers de passage à Paris. Dans les faits, ils doivent lutter avec l’agenda limité des VIP d’Art Basel Paris, par ailleurs accaparés par les nombreux vernissages dans les musées parisiens. Pour éviter d’apparaître comme des « Salons des refusés », les organisateurs de ces foires cherchent à affirmer une identité propre. Ils se spécialisent par région, par période ou par thématique, avec un degré de sujet variable, ce qui leur permet de revendiquer un rôle complémentaire à Art Basel Paris, tout en conservant une visibilité auprès d’un public ciblé.

Certaines foires misent sur une identité géographique forte, doublée de programmes curatoriaux incluant conférences, tables rondes ou prix, afin d’offrir une vitrine à des scènes souvent marginalisées dans le circuit occidental. C’est le cas de Menart Fair (lire l’encadré) ou d’Asia Now, créée en 2005, d’abord accueillie à l’Espace Cardin avant de rejoindre la Monnaie de Paris. Si les volumes sont plus vastes à l’hôtel de la Monnaie, la circulation reste malaisée et l’organisation perfectible. La soixantaine de galeries présentes en 2025 en compte seulement 24 à venir d’Asie du Sud-Est, une représentation bien inférieure à celle des galeries françaises, même si des acteurs de poids comme Perrotin ou Nathalie Obadia, autrefois fidèles, n’y participent plus, signe de la difficulté du salon à consolider son positionnement. Asia Now demeure néanmoins une plateforme intéressante pour mesurer la diversité de la création asiatique, le bon comme le moins bon.

De son côté, Akaa, qui en est à sa 10e édition, s’impose comme le rendez-vous de référence pour la scène contemporaine africaine (au sens large) au Carreau du Temple (Paris-3e). Les 42 galeries présentes, dont 19 françaises, reflètent autant la place de la diaspora dans la capitale que la faiblesse structurelle du réseau de galeries africaines. La Galerie Vallois, pionnière en la matière, y défend cinq artistes représentatifs de leur différente culture respective. Mais l’absence des figures de référence tels Magnin-A, Cécile Fakhoury ou Mariane Ibrahim, présents à Art Basel Paris, souligne la limite de l’exercice.

Les foires axées sur des périodes particulières

En parallèle de cette approche géographique, d’autres foires se positionnent sur des segments temporels. Moderne Art Fair occupe le terrain du second marché de l’art d’après guerre. Après plusieurs déménagements, elle se tient désormais sous deux tentes place de la Concorde, à plus d’un kilomètre du Grand Palais. Cet éloignement complique son articulation avec Art Basel Paris : les collectionneurs, déjà sollicités, hésiteront peut-être à effectuer quinze minutes de marche supplémentaires. La cinquantaine de galeries présentes, en majorité françaises, traduit une assise locale réelle mais une attractivité limitée sur un plan international, avec le risque d’apparaître comme un salon trop daté.

Des œuvres de Renaud Jerez présentées par la galerie Crèvecœur à Paris International 2025 © Photo Ludovic Sanejouand pour LeJournaldesArts.fr
Des œuvres de Renaud Jerez présentées par la galerie Crèvecœur à Paris International 2025
© Photo Ludovic Sanejouand pour LeJournaldesArts.fr

À l’opposé, Paris Internationale, installée cette année dans un immeuble haussmannien du rond-point des Champs-Élysées, continue sa montée en puissance. En 2025, elle réunit 66 galeries, dont 85 % internationales, et s’affiche comme le miroir inversé de Moderne Art Fair en privilégiant les pratiques expérimentales, récentes et souvent audacieuses. L’inégalité des propositions n’enlève rien à son rôle de laboratoire pour curateurs et collectionneurs en quête de découvertes. Ce qu’est également Offscreen (lire l’encadré).

À ces logiques géographiques et chronologiques s’ajoute celle des niches thématiques à l’exemple de la première édition de Ceramic Art Fair (lire l’encadré). Outsider Paris, au Bastille Design Center (11e arr.), qui en est à sa 3e édition, s’affirme comme l’héritière de l’Outsider Art Fair new-yorkaise, qui avait renoncé à sa déclinaison parisienne en 2022. Avec 16 galeries, dont six françaises, elle revendique un positionnement singulier, même si son périmètre demeure réduit. De son côté, Design Miami/Paris, également dans sa 3e édition, réunit à l’hôtel de Maisons (Paris-7e) 26 exposants autour d’un design élargi, où l’on retrouve les galeries parisiennes Downtown, Kreo et Patrick Seguin. La foire confirme l’installation durable du design comme segment autonome du marché. Private Choice propose quant à elle, dans un hôtel particulier du 16e arrondissement, une expérience différente : les œuvres sont disposées dans un intérieur privé et la visite se fait sur réservation. Enfin, le Salon international du patrimoine culturel, organisé par Ateliers d’Art de France, accompagne depuis l’an dernier la semaine d’Art Basel Paris. Il ne s’agit pas d’une foire de vente d’œuvres d’art, mais du grand rendez-vous des métiers d’art, des restaurateurs et des entreprises du patrimoine, avec près de 300 exposants au Carrousel du Louvre.

Offscreen : installations, images fixes et en mouvement

Paris-13e. Pour sa 4e édition, Offscreen investit un nouveau lieu, la chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière, et met à l’honneur l’artiste multimédia et performeuse japonaise Shigeko Kubota (1937-2015), présentée par la galerie new-yorkaise Fergus McCaffrey. Fondé et dirigé par Julien Frydman, le salon consacré aux expérimentations et installations autour de l’image fixe et en mouvement réunit cette année plus de 28 artistes représentés par 6 galeries françaises et 20 étrangères. Parmi eux, Thu-Van Tran (Meessen De Clercq, Bruxelles), Annegret Soltau (Anita Beckers, Francfort-sur-le-Main), Laurent Lafolie (Binome, Paris), Hazem Harb (Tabari Artspace, Dubaï), Carrie Schneider (David Peter Francis, New York), Richard Serra (Carreras Mugica, Bilbao), Jacques Lizène (Nadja Vilenne, Liège) et Sue Williamson (Dominique Fiat, Paris). À voir, exposées par la galerie Baudoin Lebon, des photographies d’Albert Londe réalisées en 1893 lors des séances du professeur Charcot. Et, dans le cadre du nouveau programme « Acquisitions et découvertes », les œuvres récemment acquises par le Centre Pompidou et le ZKM, Centre d’art et des médias de Karlsruhe en Allemagne.

Christine Coste

Offscreen,
du 21 au 26 octobre, chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière, 47, bd de l’Hôpital, 75013 Paris, offscreenparis.com
Menart Fair mise sur l’émotion

Paris-3e. Menart Fair, la foire spécialisée sur les artistes du Maghreb et du Moyen-Orient, met de côté les turbulences politiques et privilégie cette année la douceur. Selon sa fondatrice, Laure d’Hauteville, il s’agit d’un « parti pris critique et d’une position éthique » dans le contexte contemporain. Elle ajoute que « douceur » ne signifie pas « mièvrerie », mais une priorité donnée aux émotions. Après l’édition 2024 consacrée aux femmes, Menart Fair poursuit donc sur sa lancée thématique. L’édition 2025 se déroule dans le même lieu que 2024, la Galerie Joseph, pour confirmer son ancrage dans le Marais pendant la grande semaine de l’art contemporain. Seize pays sont représentés dans la sélection, avec toujours une prédominance du Liban (8 galeries sur les 40 annoncées, et près d’un quart des artistes exposés). Plusieurs galeries fidèles reviennent, comme Bessières (Chatou, Yvelines), Katharina Maria Raab (Berlin) et Le Violon Bleu (Tunis). Parmi les nouveaux entrants, Camille Pouyfaucon (Paris), Ambidexter (Istanbul), ainsi que George Kamel et Art Vision, basées toutes deux à Damas en Syrie. L’édition compte d’ailleurs une quinzaine d’artistes syriens, une présence qui fait écho au changement de régime survenu en décembre 2024 et à la reprise de la vie culturelle dans le pays depuis lors. Comme les années précédentes, la foire accueille également une large sélection d’artistes palestiniens dont plusieurs vivent à Gaza.

Olympe Lemut

Menart Fair,
du 25 au 27 octobre, Galerie Joseph, 116, rue de Turenne, 75003 Paris, menart-fair.com
Ceramic Art Fair : un nouveau rendez-vous pour les arts du feu de toutes époques

Paris-7e. La Maison de l’Amérique latine accueille la première édition de « Ceramic Art Fair », foire consacrée à la céramique et au verre ancien, moderne et contemporain. Fondée par Victoria Denis et Hélène de Vanssay, elle réunit 23 galeries françaises et étrangères dans un format volontairement resserré. Pensée comme un parcours de collectionneur dans les espaces de l’hôtel de Varengeville, la manifestation explore le « moderne à travers les époques » en confrontant les traditions du feu et leurs réinterprétations contemporaines. Le dialogue orchestré entre la galerie Camille Leprince (Paris) et la Manufacture de Sèvres met en regard des pièces historiques et des créations récentes, tandis que la Galerie Michèle Hayem (Paris) présente les céramiques baroques et fantasmagoriques de Carolein Smit, dans la filiation des cabinets de curiosités. La Galerie Lefebvre & Fils met pour sa part en avant les figures énigmatiques de Théo Ouaki, hybrides et colorées, miroir critique et poétique du monde contemporain. La création actuelle s’incarne aussi dans les œuvres de Claire Lindner (Daguet-Bresson, Paris), Mithé Espelt (Castelin Cattin, Paris) ou Octave Rimbert-Rivière (Nendo Galerie, Marseille, [voir ill. p. 13]). La scénographie confiée à Luis Laplace associe arts décoratifs et création contemporaine, avec une table en hommage au savoir-faire français à laquelle vient s’ajouter un parcours de verre en extérieur composé d’œuvres signées Jonathan Ausseresse, Xavier Le Normand et Sébastien Kito.

Marie Potard

Ceramic Art Fair,
du 22 au 25 octobre, Maison de l’Amérique latine, 217, bd Saint-Germain, 75007 Paris, ceramicartfair.com

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°663 du 17 octobre 2025, avec le titre suivant : Les foires « off » dessinent aussi la carte du marché

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