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ART CONTEMPORAIN

Lee Kang-So, de la poule au canard

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 18 septembre 2025 - 522 mots

La galerie Thaddaeus Ropac expose un ensemble d’œuvres historiques et récentes de l’artiste sud-coréen.

Paris. Dans les années 1990, l’artiste coréen Lee Kang-so (né en 1943) a peint des séries de toiles qui témoignent de l’aisance et de la force de son geste pictural. Ce geste donnait de beaux élans à des nœuds de lignes et un concentré d’énergie en référence au ch’i asiatique. Il évoquait également, à chaque « coin » de l’œuvre, la figure stylisée d’un canard qui glissait une touche d’humour et de légèreté, en posant en même temps l’éternelle question du rapport entre figuration et abstraction.

À l’occasion de la première exposition de l’artiste à la galerie Thaddaeus Ropac à Paris, une immense toile de 3,10 x 3,60 m, datée, elle, de 2016, montre de façon magistrale que le canard a toujours été vivant dans son travail et qu’il est plus signe que canard : une forme qui flotte dans l’espace pour lui donner toute sa profondeur.

Mais c’est surtout autour d’une poule que l’actuelle exposition est pondue pour fêter le cinquantième anniversaire d’une célèbre performance de Lee Kang-so (comme en témoigne une série de photos de l’époque) ; exécutée à l’occasion de la 9e Biennale de Paris en 1975, elle fit connaître l’artiste sur la scène internationale. La performance a été ici réactivée avec un gallinacé, qui, attaché par un fil à une patte, a piétiné un cercle couvert de craie et a ainsi dessiné au sol de façon aléatoire des lignes et des traces, en supplantant de facto l’artiste.

Cette démarche est encore plus explicite dans une autre œuvre intitulée Painting78-1 de 1977, une vidéo de près de 30 min dans laquelle on voit Lee Kang-so recouvrir de peinture une vitre et donc s’effacer et disparaître progressivement au fil des coups de pinceau.

De la génération du Dansaekhwa

Ces deux œuvres rappellent l’aspect avant-gardiste et engagé des installations et performances de l’artiste dans les années 1970, et l’importance qu’elles ont eue dans l’histoire de l’art coréen à une époque où le pays n’était pas reconnu pour son ouverture, puisque sous la dictature du président Park Chung-hee.

L’ensemble, composé de ces œuvres anciennes et d’autres plus récentes, montre la diversité, la cohérence et l’importance de la démarche de Lee Kang-so. Quasiment de la même génération que les artistes du mouvement Dansaekhwa (« monochrome coréen »), même s’il n’en a jamais vraiment fait partie, comme Park Seo-bo ou Ha Chong-hyun, Lee Kang-so n’en demeure pas moins l’une des figures-clefs de toute une génération.

Cela explique les prix assez élevés, dans le même ordre que ceux de ses compatriotes précités, compris entre 100 000 dollars [85 500 €] pour une série de dix photos d’une autre performance, Disappearance (1973), et 800 000 dollars [684 000 €] pour la très grande toile. Car si Lee Kang-so n’est pas encore très connu en France, il l’est sur la scène internationale, comme en témoigne sa présence dans de nombreuses collections dans le monde, publiques et privées, et ses multiples expositions à l’exemple de la seconde partie de sa rétrospective inaugurée le 22 septembre au Musée d’art contemporain de la ville de Daegu en Corée du Sud.

Lee Kang-so, Dwelling In Mist And Glow,
jusqu’au 11 octobre, galerie Thaddaeus Ropac, 7, rue Debelleyme, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°661 du 19 septembre 2025, avec le titre suivant : Lee Kang-So, de la poule au canard

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