Rétrospective

Le verre sous toutes ses formes

Jusqu’au 24 octobre, la galerie Jacques Lacoste rend hommage à Max Ingrand, touche-à-tout du verre

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 16 septembre 2009 - 481 mots

PARIS - Navigant avec aisance entre art sacré et industrie de pointe, classicisme et innovation, le verrier Max Ingrand fut un maître du grand écart.

L’exposition d’une soixantaine d’objets organisée à la galerie Jacques Lacoste a justement pour mérite de dégager une cohérence dans le travail prolifique de ce touche-à-tout décédé en 1969. Amoureux du verre sous toutes ses coutures, Ingrand lui appliqua les procédés les plus divers. Une des pièces les plus fortes de l’exposition, un miroir de 1935-1939, résume à elle seule l’étendue de sa palette en combinant décor sablé, émaillé et argenté, associant taille à la roue et verre filé à chaud pour former des colonnettes. L’accrochage orchestre un dialogue audacieux entre cet objet très artisanal et la fameuse lampe en opaline, modèle 1853, conçue pour la firme italienne Fontana Arte et encore en production. Un magnifique miroir dit « pistil » de 1960 marie, quant à lui, verre thermoformé, verre argenté, verre éclaté au burin et cabochons sertis comme des pierres précieuses.

« Habiller la lumière »
S’il ne fut pas révolutionnaire à la manière d’un Émile Gallé, Ingrand a su tirer tout le parti possible de la glace en élargissant son usage à l’architecture et à la décoration. Difficiles à restituer dans une exposition, ces deux activités transparaissent via un nuancier de verres, artificiellement vieillis destinés à servir de revêtements muraux, et une grande dalle verte issue du siège social de Saint-Gobain. En revanche, point de trace dans l’exposition de sa grande production de vitraux. Un manque qu’on ne regrettera pas. Alors même que de grands artistes comme Léger ou Matisse renouvelaient ce genre religieux, Ingrand ressassait une imagerie moyenâgeuse. Rétrograde dans le domaine du vitrail, encore marqué par l’Art déco dans le champ de la décoration, il était en revanche extrêmement inventif pour ce qui est du luminaire. Dans la monographie publiée aux éditions Norma, l’historien de l’art Pierre-Emmanuel Martin-Vivier souligne que « ses luminaires se comprennent comme de véritables jeux formels reléguant à l’arrière-plan les querelles entre modernes et tenants de la tradition ». Voulant « habiller la lumière », Ingrand estimait que l’éclairage artificiel était d’une subtilité supérieure à la lumière naturelle. « L’alliance de la glace et de la lumière est la base de toute atmosphère », répétait-il volontiers. C’est avec ce postulat qu’il prendra en 1954 la direction artistique de la firme Fontana Arte. Ingrand donnera un élan créatif à la société créée vingt-deux ans plus tôt par Gio Ponti. Il y dope la production d’appliques et de plafonniers, introduit l’usage du verre taillé. Derrière le répertoire des nombreux modèles mis au point avec ses collaborateurs, on mesure surtout une grande compréhension des besoins humains. Car pour Ingrand, « éclairer c’est aussi vivre ».

MAX INGRAND, 18 septembre-24 octobre, Galerie Jacques Lacoste, 12, rue de Seine, 75006 Paris, tél. 01 40 20 41 82, du lundi au samedi 11h-13h et 14h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°309 du 18 septembre 2009, avec le titre suivant : Le verre sous toutes ses formes

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