Foire & Salon

XXe

L’art contemporain boude Tefaf

Par Éléonore Thery · Le Journal des Arts

Le 2 mars 2016 - 729 mots

La section moderne continue à se renforcer, tandis que l’art contemporain reste moins bien représenté, malgré la réédition d’un espace d’exposition avec un commissaire invité.

Avant de d’installer ses cimaises outre-Atlantique, Tefaf a réussi à traverser les époques. La foire s’est ouverte à l’art moderne dès 1991 et a, depuis, développé ce secteur : une formidable opportunité commerciale sur laquelle de très nombreuses foires se sont construites. Ce tournant pris avec succès lui a permis d’afficher un singulier profil généraliste, quand ses consœurs sont le plus souvent spécialisées sur une époque, voire une discipline. Sa section moderne et contemporaine compte aujourd’hui une cinquantaine d’exposants, attirant une clientèle qui tend de plus en plus à naviguer d’une époque à l’autre. « Il reste toujours des collectionneurs très spécialisés, mais nous remarquons que d’autres parcourent la foire de façon plus libre et peuvent acheter aussi bien de la sculpture chinoise que de grands tableaux modernes », indique ainsi le galeriste Antoine Lorenceau. Certains font leur retour telles la galerie berlinoise Buchmann Galerie, la chinoise Pearl Lam Galleries (Shanghaï, Singapour et Hongkong) et la londonienne Waddington Custot qui présente une grande sculpture (réalisée d’après une maquette) de Dubuffet, Le facétieux (1973) ou un des Homage to the square de Josef Albers (1966).

Le spectre historique est large. À l’orée de l’ère moderne, Bailly Gallery présente un bronze préparatoire pour la Statue de la Liberté de Bartholdi (1875). L’expressionnisme allemand est bien représenté, avec un paysage nocturne de Kirchner (Galerie Henze & Ketterer, Wichtrach/Bern) ou La Horde (1927) de Max Ernst (Galerie de la Béraudière, Genève). Les décennies de l’après-guerre sont également très présentes, ainsi de Beck & Eggeling, qui propose Dynamic Structure d’Heinz Mack, datant des débuts du groupe Zero (1957) ou de Tornabuoni Art qui dévoile des pièces d’Alberto Burri ou Lucio Fontana.

Côté photographie, Daniel Blau (Münich) montre des tirages vintages de Weegee, récemment redécouverts dans des archives américaines, aux côtés de photographies d’essais de la bombe atomique datant des années 1950 (!). Plusieurs galeries juxtaposent art moderne et contemporain. Brame & Lorenceau mêle ainsi sur son stand une grande composition d’Auguste Herbin des années 1940, une toile de Mirò, Femme et oiseau dans la nuit (1948) ou encore une composition rouge d’Anish Kapoor (1985). Sur le stand de la galerie Bastian (Berlin), se côtoient un ensemble de Picasso – estampes, céramiques ou toiles tardives – et des œuvres de Joseph Beuys ou Cy Twombly. La galerie Boulakia présente en parallèle une œuvre sur papier de Chagall de 1966, Deux profils verts au cirque et une pièce de Christopher Wool de 1985. À noter, quelques œuvres modernes émaillent les stands des enseignes d’art ancien : des céramiques de l’Américain Cliff Lee chez Cohen & Cohen, une Concetto Spaziale Attesa blanche de Lucio Fontana de 1960 chez Robilant Voena ou chez Agnews Gallery (Londres) Precipitare sulla città (1939) de Tullio Crali, « l’un des représentants majeurs de l’imagerie aérienne du futurisme, tourbillonnante et parfois abstraite, l’aeropittura » indique-t-on à la galerie. De façon générale, l’ensemble est plus orienté vers l’art moderne et ses figures classiques, plutôt que vers l’art le plus contemporain, malgré la présence de quelques pièces telle l’installation de Miyajima Tatsuo, Counter Flowerpot-no.3, produite en 2015 (Buchmann Gallery). Tefaf n’a d’ailleurs pas réussi à attirer de nouveau les mastodontes du secteur que sont Gagosian, Hauser & Wirth ou David Zwirner.

Mais dans ce domaine, la foire a réussi à faire sensation l’an dernier en réservant à l’art contemporain un espace d’exposition, dont le commissaire était Sydney Picasso. Cette année, les rênes du projet ont été confiées au Néerlandais Mark Kremer, qui a placé l’exposition dans le sillage de Joseph Beuys et de sa pièce Show your Wound (1976). « L’artiste se réfère en permanence aux mythes, aux mondes archaïques et aux cultures indigènes et non occidentales. Ce dialogue entre passé et présent le relie à Tefaf, dont l’art moderne et contemporain et les formes d’art traditionnel sont deux des piliers », explique le commissaire. Sept galeries et sept artistes ont été sélectionnés, dont William Tucker, Folkert de Jong ou John Murphy, et trois d’entre eux ont produit des pièces spécialement pour la foire. « Il est intéressant pour la sphère marchande des galeries d’être plus en rapport avec l’expertise d’un commissaire. Aussi, les galeries de cette section sont parfois modestes », souligne Mark Kremer. Avec cette section, où les œuvres sont également à vendre, Tefaf a trouvé un habile stratagème pour renforcer un secteur encore trop limité.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°452 du 4 mars 2016, avec le titre suivant : L’art contemporain boude Tefaf

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