Bande dessinée

La bd japonaise ? un marché à développer

Par Alexia Lanta Maestrati · L'ŒIL

Le 21 janvier 2019 - 900 mots

PARIS

La saison « Japonisme 2018 » s’achève, elle aura plongé le public français dans la culture nippone. L’occasion de faire le point sur le marché niche des originaux de BD japonaise.

Collectionner De juillet 2018 à février 2019, les gouvernements français et japonais proposent une saison sous le signe de la culture nippone à l’occasion du 160e anniversaire des relations diplomatiques nippo-françaises. Incontournable de la culture de l’archipel, le manga était à l’honneur, notamment à Nantes avec « Mangasia », qui raconte l’histoire du genre, ou à la Grande halle de la Villette avec « Manga-Tokyo », une immersion originale dans l’histoire de la mégalopole japonaise au travers des mangas. Alors que l’univers du manga est mondialement populaire, le marché des originaux l’est nettement moins. « Il y a un marché en Europe et aux USA pour les originaux de bandes dessinées qui n’existe pas au Japon. Là-bas, vous pouvez trouver des celluloïds d’animes, pour des prix raisonnables, car le marché en regorge, mais il y a très peu de planches de manga », explique Julien Brugeas, directeur de la Galerie Glénat. Aucune galerie n’est spécialisée et aucune vacation n’a été totalement consacrée au médium en maison de ventes. Ce phénomène s’explique d’abord pour des raisons fiscales : les mangakas ne commercialisent pas, ou peu, leurs planches pour éviter d’être imposables. Puis, « comme pour les planches d’Hergé, un collectionneur ne peut pas accéder à toutes les pièces, car il existe un Musée Tintin à Bruxelles. Au Japon, les mangakas montent des fondations », souligne Éric Leroy, spécialiste BD chez Artcurial. Pourtant, en Europe, la demande est forte pour « des collectionneurs de bande dessinée dont la jeunesse a été marquée par les mangas et les dessins animés, à l’instar de Goldorak ». Les experts sont confiants. La Galerie Glénat confie qu’elle montera « sûrement une exposition en 2019 ou 2020 », et une autre grande maison se montre très enthousiaste sur le sujet, mais « il est trop tôt pour en parler ».

269 400 € 

1_Osamu Tezuka. En mai 2018, une planche d’Astroboy du dessinateur Osamu Tezuka (1928-1989) s’envolait pour le prix record de 269 400 euros (estimée entre 40 000 et 60 000 euros) chez Artcurial, suscitant alors l’excitation médiatique pour sa rareté. Jusqu’alors, en effet, aucune planche du maître n’avait été vendue aux enchères. Osamu Tezuka se positionnait ainsi auprès des auteurs de BD les plus chers vendus que sont Franquin, Morris ou Uderzo, mais loin derrière les 2,6 millions d’euros réalisés en 2014 chez Artcurial pour des pages de garde des Aventures de Tintin d’Hergé.

 

(Estimation : 40 000 – 60 000 €) chez Artcurial en mai 2018.

De 40 à 340 € 

2_Hideshi, Toshio, Yukimori. La Galerie du 9e Art propose ponctuellement des planches d’originaux de mangas. Récemment, la galerie a reçu des planches de trois auteurs, deux connus et régulièrement mis en vente, notamment au Japon –Hideshi Hino (entre 100 et 150 euros), dont l’univers du manga d’horreur est très violent, et Toshio Maeda (340 euros), qui réalise des mangas dont l’univers est érotique –, et une planche d’un auteur moins connu, Kuruni Yukimori, en vente pour 40 euros.

 

Galerie du 9e Art

Moins de 200 € 

3_Yôichi Takahashi. Peu considérés, les celluloïds sont des feuilles transparentes peintes à la main qui servent à la création d’animes. Depuis les années 2000, les celluloïds sont moins utilisés car la colorisation est faite par ordinateur. Souvent très abordables (à partir de 20 euros), les celluloids se trouvent facilement sur ebay, sur des sites spécialisés ou, comme ici, en maison de ventes (Aguttes), notamment pour des séries cultes comme Olive et Tom (pour moins de 200 euros) ou sur Mandarake, la plateforme en ligne la plus importante pour les mangas et leurs objets dérivés, qui propose une section entièrement consacrée au médium.

5 500 € 

4_Jirō Taniguchi. En 2016, Katsuhiro Ōtomo, connu pour son manga cyberpunk Akira (1982), adapté en film d’animation, qui a influencé des générations d’auteurs, était président du Festival d’Angoulême. À cette occasion, la Galerie Glénat a organisé une exposition « Tribute to Ōtomo », où 53 auteurs ont rendu hommage au mangaka. Jirō Taniguchi, autre grand nom du genre (Le Journal de mon père, Quartier lointain), très célèbre en France et invisible sur le marché des originaux, a accepté de participer en réalisant ce portrait à l’aquarelle d’Akira.

 

Galerie Glénat

Questions à… Stéphane Beaujean  

Au Japon, quelques petits magasins vendent des planches anciennes et des galeries comme la Vanilla Gallery (Tokyo) proposent des auteurs récents, comme Atsushi Kaneko, dont les planches se vendent aux alentours de 1 000 ou 2 000 euros. En France, les galeristes aimeraient bien se lancer mais l’offre est rarissime, l’accès aux originaux étant difficile. Globalement, les ventes se déroulent surtout sur Internet avec des plateformes comme Yahoo! Auctions ou Mandarake. Évidemment, tout dépend de la notoriété de l’auteur. En ce moment, le marché explose car les Occidentaux s’y intéressent. Je pense qu’il s’agit beaucoup de spéculation, grand nombre y voyant une opportunité car le marché est encore à développer.Les auteurs vendent très rarement les originaux, car une fois estimés, ceux-ci entrent dans le patrimoine des auteurs et ils peuvent être imposables sur l’ensemble. De là découlent ensuite les problèmes d’authenticité : lorsqu’un original apparaît sur le marché, les auteurs et les institutions refusent l’authentification puisque cette œuvre ne devrait pas être hors de chez eux – ce sont souvent des œuvres laissées chez l’éditeur qui se retrouvent sans consentement en vente.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°720 du 1 février 2019, avec le titre suivant : La bd japonaise? un marché à développer

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