François Lorenceau, marchand et expert en peinture et sculpture des XIXe et XXe siècles, Paris

« La provenance ne fait pas l’authentification »

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 3 septembre 2009 - 657 mots

Le sujet de la conférence que vous animez le 16 septembre au Salon du collectionneur, à Paris, porte sur « L’expertise »…
Lorsque le Syndicat national des antiquaires m’a demandé de participer à leur cycle de conférences, j’ai immédiatement accepté. Ce sujet permettra aux collectionneurs de mieux comprendre la difficulté d’une des facettes de mon métier. En tant qu’experts, nous devons répondre aux attentes des personnes qui nous consultent. Ces attentes sont de trois types. Dans le premier cas, le propriétaire espère que l’œuvre soumise est authentique. C’est évidemment un plaisir quand nous pouvons le leur confirmer. Lorsque son tableau est de bonne facture et dans l’esprit d’un maître, mais que l’attribution n’est pas établie, le client souhaite connaître le véritable auteur. Il y a parfois une réponse, mais l’attribution peut rester inconnue. La troisième situation, pouvant être plus délicate, survient lorsqu’il s’agit d’annoncer au client que son tableau n’est pas authentique. Cela nécessite parfois de nombreuses explications. Dans notre domaine, les déconvenues sont fréquentes : six à sept tableaux sur dix n’ont pas la bonne attribution, sont des redites posthumes ou, plus rarement, intentionnellement des faux. Certains clients acceptent avec difficulté une expertise qui ne correspond pas à leur espérance initiale.

Comment gérez-vous les désillusions de vos clients ?
La meilleure chose est de dire ce que vous pensez le plus sincèrement et le plus clairement possible, sans arrière-pensée commerciale. Bien sûr, il y a toujours des gens qui sont persuadés que vous vous trompez. Ils vont alors voir d’autres spécialistes, ou font faire des analyses scientifiques…

Quelles sont les qualités d’un bon expert ?
L’expertise en peinture impressionniste et moderne est aujourd’hui relativement facilitée par l’accumulation de photographies d’œuvres et par l’utilisation que l’on peut en faire. Comme le tableau est une œuvre en deux dimensions, il est possible de faire des comparaisons à partir de photos existantes récentes ou anciennes. Dès lors qu’un groupe d’œuvres d’artiste est homogène, à l’instar des dessins et aquarelles chez Honoré Daumier, l’exercice d’expertise en est simplifié. Outre un talent certain du regard, un bon expert aura une très grande capacité à se souvenir de l’image des œuvres. C’est cette accumulation mémorielle qui constitue la connaissance.

L’historique d’un tableau constitue-t-il un indice fiable ?
Les clients viennent nous voir avec une œuvre assortie d’histoires qui ont fait naître en eux des fantasmes, ceux du « grenier à miracle », de l’« étude de jeunesse d’un grand maître » ou de l’histoire du « fragment d’un important tableau ». Or on ne regarde pas un tableau avec ses oreilles. L’œuvre parle d’elle-même. Une provenance est certes un complément, en particulier lorsqu’il s’agit d’une prestigieuse collection, mais ne peut pas faire seule l’authentification d’une œuvre.

Comment savoir si l’on s’adresse à un bon expert ?
De la même façon que l’on va consulter un bon médecin. C’est la réputation et l’expérience qui font le bon expert. C’est aussi celui qui se trompe un peu moins souvent que les autres.

De quels artistes êtes-vous le spécialiste attitré ?
Il y a une douzaine d’artistes dont nous sommes les experts, parmi lesquels Degas, Fantin-Latour, Seurat, Jean-François Raffaelli et Alfred De Dreux. Pour Caillebotte, Toulouse-Lautrec, Sisley, Daumier, Rodin et J. B. Jongkind, nous travaillons au sein de comités de « sachants ». Le comité a l’avantage d’apporter une vision plurielle. L’inconvénient est que, en réunion, les membres sont souvent plus réservés que lorsqu’ils donnent un avis en solo, à cause de la possibilité de s’influencer l’un l’autre. Aussi, nous avons préconisé la mise en place d’une grille d’aide à l’appréciation que chacun remplit, avant d’avoir une discussion et de prendre une décision commune.

Quel genre de faux vous a-t-il le plus « bluffé « ?
Des faux certificats d’expertise à en-tête de lettre de notre propre enseigne !

« Expertise et authentification : peinture impressionniste », conférence le 16 septembre à 15 h 30 au Salon du collectionneur, Grand Palais, Paris, www.sdcfrance.eu, accès libre (entrée du Salon : 15 euros).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°308 du 4 septembre 2009, avec le titre suivant : François Lorenceau, marchand et expert en peinture et sculpture des XIXe et XXe siècles, Paris

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