Foire de Bâle : la sculpture ouvre le bal

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 22 mai 1998 - 1154 mots

La vingt-neuvième édition du Salon international d’art de Bâle se déroulera du 10 au 15 juin et réunira deux cent soixante galeries. Souvent considérée comme la meilleure au monde dans son domaine, la foire innove cette année en ouvrant de nouveaux espaces consacrés à l’un des parents pauvres des grands rendez-vous marchands de l’art : la sculpture.

Près de sept cents galeries ont posé leur candidature pour participer à Art 29’98. Malgré cette avalanche, les organisateurs n’ont pas modifié le nombre total de stands, qui reste proche de deux cent cinquante. “La foire est à son maximum aujourd’hui en termes de dimensions, estime son directeur Lorenzo A. Rudolf. Il faut déjà trois ou quatre jours pour bien la visiter. Pour moi, il est clair qu’on ne peut ni augmenter le nombre des galeries ni la surface d’exposition. Mais, en revanche, nous pouvons toujours relever la qualité”. La manifestation réunit les meilleurs marchands d’art contemporain de la planète. “Une trentaine de galeries constituent vraiment des valeurs de premier ordre, souligne-t-il. Cette année, nous avions environ quatre cent cinquante galeries capables de participer avec un stand de haute qualité, mais nous n’avons pu en garder que deux cent soixante en tout”. L’équilibre entre les origines géographiques des marchands reste relativement stable d’une année sur l’autre : avec 66 stands, l’Allemagne est toujours la mieux représentée, suivie de la Suisse (42), de la France (36), des États-Unis (33), de l’Italie (24) et de la Grande-Bretagne (20).

“On ne change pas une équipe qui gagne, assure avec une certaine satisfaction Lorenzo Rudolf. Aussi gardons-nous le concept des trois ou quatre dernières années, en nous concentrant sur la qualité”. Les secteurs spécialisés sont reconduits. Les éditeurs, qui ont un marché spécifique, viennent de plus en plus à Bâle dans leur périmètre réservé, et la Pace Gallery y prend même dorénavant un stand ; comme les galeries de photographie traditionnelles, les éditeurs ont besoin d’une grande visibilité.
Le Forum vidéo est également reconduit, tout comme “Statement”, réservé aux projets de jeunes artistes et subventionné par la foire, qui accueille de plus en plus de jeunes galeries. Les autres années, la présence dans ce secteur de marchands établis avait un peu étonné, d’autant que souvent, ils disposaient ainsi de deux stands. “Pour lancer Statement, nous nous sommes dit – et je crois que nous avions raison – qu’il fallait y incorporer des galeries de grande renommée qui pouvaient attirer leur clientèle, se défend Lorenzo Rudolf. Mais maintenant, ce secteur est fort, il vit vraiment par lui-même, et il n’y a cette année presque plus de doubles stands”. Les organisateurs entendent ainsi promouvoir les galeries qui soutiennent et travaillent vraiment avec des jeunes artistes.

Mais c’est “Art Sculpture Basel” qui constitue la grande nouveauté d’Art 29’98 : un secteur exclusivement réservé à la sculpture. Ces créations en trois dimensions sont mal représentées dans les grands salons internationaux. Organiser une exposition de grandes sculptures dans une foire revient assez cher, notamment en raison des frais de transport, et les galeries sont confrontées à des problèmes techniques, car il n’est souvent pas possible d’intégrer ces pièces sur les stands. Pour la première fois, une foire internationale leur réserve un grand hall. Vingt-quatre galeries inaugurent ce nouveau secteur et proposent une véritable rétrospective de la sculpture à travers le siècle. Joan Miró (galerie Beyeler), Max Ernst (galerie Gmurzynska), Anthony Caro (Annely Juda Fine Arts), Eduardo Chillida (galerie Lelong) et Jacques Lipschitz (Malborough Gallery) y côtoient Sol LeWitt (Annemarie Verna Galerie), Barry Flanagan (Waddington Galleries), Claes Oldenburg (galerie Hans Mayer), Richard Serra (mBochum Kunstvermittlung), Ulrich Rückriem (galerie Tschudi), Matt Mullican (Mai 36 Galerie), Tony Cragg (Buchmann Galerie), Roman Signer (galerie Stampa) ou Kiki Smith (PaceWildenstein Gallery).

Après 1997, où la foire de Bâle avait bénéficié des grands rendez-vous européens de l’art contemporain, de Cassel à Venise, l’édition 1998 risque fort d’être plus calme. Son directeur reste cependant confiant : “Nous avons presque tous les jours des coups de téléphone de collectionneurs, en particulier américains, qui annoncent leur venue. Le marché aux États-Unis est fort actuellement, et les grands collectionneurs sont prêts à dépenser leur argent dans les foires, notamment à Bâle”. Au siège de la manifestation, les responsables comptent sur sa réputation et excluent catégoriquement d’inviter certains collectionneurs, comme le font de plus en plus de foires, notamment la Fiac. “Si nous invitions tous les collectionneurs qui se déplacent à Bâle, nous ferions aussitôt faillite”, assure Lorenzo Rudolf, non sans humour. Je crois vraiment que l’on doit avant tout organiser une foire de très haute qualité, afin d’attirer les collectionneurs et les convaincre qu’il est indispensable de venir”. Le catalogue, disponible dès maintenant, devrait finir de les persuader et leur permettre de bien préparer leur visite.

Comme chaque année, la Foire de Bâle réunit des œuvres de qualité exceptionnelle, dignes des plus grands musées. Ainsi, pour le stand de la galerie genevoise Daniel Varenne, l’artiste français Daniel Walravens a imaginé l’Écharpe d’Iris, une pièce murale inédite conçue à partir de sept couleurs différentes. Ces teintes claires, rigoureusement sélectionnées, articulent un parcours visuel dans l’espace intérieur et extérieur réservé à la galerie, qui expose par ailleurs Boltanski, Jean-Pierre Raynaud, Alain Jacquet, Daniel Spoerri… La galerie de France présente une sculpture de Pistoletto, issue de sa série des Quatre saisons et datant de 1983-1985, ainsi que des sculptures récentes de Martial Raysse et de nouveaux tableaux de Pierre Soulages et d’Eugène Leroy. Centré autour du Salon des réalités nouvelles (1945-1950), le stand de la galerie Lahumière propose des créations de Vasarely, Herbin, Seuphor, ainsi qu’un très rare pastel d’Otto Freundlich. Outre des œuvres de Jean Dubuffet, Bernard Réquichot, Arman, Henri Michaux ou Öyvind Fahlström, réunies en hommage à Daniel Cordier, la galerie 1900-2000 montre un très beau dessin érotique de Hans Bellmer datant de 1961. Les broderies que Ghada Amer expose sur le stand de la galerie Brownstone, Corréard & Cie, dans le secteur “Statement”, ne sont pas moins équivoques. Elles côtoient une installation de Stéphane Magnin – une grande soucoupe volante évoquant l’espace francophone – présentée par la galerie Art : Concept.

En parallèle et pour la troisième année consécutive, est organisée sur les bords du Rhin la “Liste”, réservée aux jeunes galeries. Dans une atmosphère moins smart et plus détendue, trente-six galeries dont trois françaises  y disposeront de stands conçus par l’artiste autrichien Gerwald Rockenschaub. Le Centre genevois de la gravure, invité d’honneur cette année, y expose des livres, des œuvres sur papier et des vidéos d’une vingtaine d’artistes. Enfin, des performances et des soirées animées par des DJ’s seront organisées quotidiennement pour ponctuer en beauté les journées bien remplies des amateurs d’art.

ART 29’98, 10-15 juin, Messe Basel, Bâle, tél. 41 61 686 20 20, tlj 11h-19h. Entrée 25 FS, catalogue 35 FS. Internet : www.art.ch. LISTE 98, THE YOUNG ART FAIR IN BASEL, 10-14 juin, Warteck pp, Burgweg 15, Bâle, tél. 41 61 693 03 47, tlj 13h-21h. Entrée 10 FS, catalogue 8 FS.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°61 du 22 mai 1998, avec le titre suivant : Foire de Bâle : la sculpture ouvre le bal

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