Les ventes à Londres

Décevant…

Déclin des ventes modernes à Londres

Par Roger Bevan · Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1996 - 1015 mots

Résultats relativement décevants pour les ventes impressionnistes et modernes à Londres. Les deux ventes en soirée de Sotheby’s ont produit un total de 21 369 540 livres (environ 164 millions de francs), pour 66,5 % des lots vendus (74 % en valeur), tandis que Christie’s recueillait 16 347 640 livres (environ 122 millions de francs) pour 63,5 % des lots vendus (70 % en valeur).

LONDRES (de notre correspondant) - En matière de ventes aux enchères d’œuvres impressionnistes et modernes, le gouffre s’accroît depuis deux ou trois saisons entre Londres et New York, qui attire d’importantes collections américaines et européennes. Le phénomène s’explique aussi largement par la bonne tenue de l’offre new-yorkaise. En revanche, la qualité des ventes londoniennes décline, et les chefs-d’œuvre font notoirement défaut aux catalogues récemment publiés par Christie’s et Sotheby’s.

Rodin du simple au triple
Le 27 novembre, un Simon de Pury moins sémillant qu’à l’ordinaire a lancé les ventes de la semaine, chez Sotheby’s, avec une modeste liste de 47 lots. Une jolie version en bronze de l’Ève de Rodin a été acquise 310 000 livres (2,4 millions de francs) par le marchand Lucy Mitchell-Innes, pour le compte de Ronald Stanton. Sa provenance, solidement établie, indique que l’œuvre, estimée 275 000 à 325 000 livres, aurait été fondue par François Rudier dès 1886. Une seconde version, plus tardive et moins achevée, était proposée le lendemain par Christie’s pour 120 000 à 180 000 livres. Elle n’est partie qu’à 95 000 livres (730 000 francs), signe de l’importance croissante de la bonne provenance des œuvres.

Le catalogue de Sotheby’s proposait quatre toiles de Monet, de différentes périodes. Un Bord de rivière à Vétheuil (estimé entre 500 000 et 700 000 livres) est parti, après une joute téléphonique entre deux acheteurs, à 810 000 livres (6,2 millions de francs) ; un beau paysage, Hiver sur la Seine, Lavacourt (estimé 600 000 à 800 000 livres), a été emporté par un second acheteur par téléphone pour 850 000 livres (6,5 millions de francs) ; une plage à Sainte-Adresse, assez morne (estimée 350 000 à 450 000 livres), a été acquise 300 000 livres (2,3 millions de francs), et Matinée sur la Seine (estimée 1 à 1,2 million de livres) a été vendue 920 000 livres (7 millions de francs) à un troisième acheteur par téléphone.

Les Baigneurs de Cézanne, estimés 1,4 à 1,8 million de livres, ont été vendus 1,3 million de livres (9,9 millions de francs), également sur enchère téléphonique. Un très joli pastel sur monotype de Degas, La Toilette, estimé entre 800 000 et 1 million de livres, a été acquis 975 000 livres (7,5 millions de francs) par David Nash, pour le compte d’un acheteur par téléphone. Le vendeur, probablement le banquier autrichien Wolfgang Flottl, l’avait acheté 1,9 million de livres chez Sotheby’s à New York, le 11 mai 1994.

Egon Schiele à la hausse
Étant donné le très bon prix obtenu trois semaines plus tôt chez Christie’s à New York par un autoportrait à l’aquarelle d’Egon Schiele, d’excellents résultats étaient attendus pour les aquarelles de l’artiste présentées à Londres, d’autant que plusieurs collectionneurs, dont le docteur autrichien Rudolf Leopold, continuent à tirer le marché vers le haut.

La plus belle composition, deux silhouettes intitulées Umarmung (Étreinte), estimée 300 000 à 400 000 livres, a été acquise par Richard Nagy, un associé de Dover Street Gallery, pour 470 000 livres (3,6 millions de francs). Agissant pour le compte d’un collectionneur australien, il l’a emporté sur deux acheteurs dans la salle et un enchérisseur au téléphone. Agnès Husslein, directrice de Sotheby’s Vienne, agissant pour le compte d’un acheteur par téléphone (peut-être le Dr Leopold), a acheté 320 000 livres (2,4 millions de francs) un autoportrait estimé entre 200 000 et 300 000 livres, et 330 000 livres (2,5 millions de francs) un beau portrait de l’éditeur Edouard Kosmack, estimé entre 200 000 et 300 000 livres. Un collectionneur anglais présent dans la salle a emporté pour 140 000 livres (1,1 million de francs) l’une des quatre aquarelles représentant un nu féminin, estimée 100 000 à 150 000 livres.

Un Magritte n’a pas trouvé preneur
Christie’s en proposait deux autres le lendemain soir : une silhouette allanguie et échevelée, estimée 150 000 à 200 000 livres, a été acquise par téléphone pour 180 000 livres (1,4 million de francs), au détriment du collectionneur et marchand parisien Félix Foux, et une belle étude de femme penchée vue de dos, estimée 280 000 à 350 000 livres, a été achetée 360 000 livres (2,8 millions de francs) par Kim Solow, du département clientèle de Christie’s New York.

Un enchérisseur par téléphone a emporté, pour 770 000 livres, un Printemps à Éragny de Pissarro, estimé 500 000 à 700 000 livres. Un autre a acheté 800 000 livres (6,1 millions de francs) les Dahlias de Fantin-Latour, estimés entre 550 000 et 750 000 livres. Des acheteurs dans la salle ont acquis pour 830 000 livres (6,4 millions de francs) une vue du Boulevard de Clichy et angle de la rue de Douai par Bonnard, estimée 800 000 à 1 million de livres, et Le petit déjeuner après le bain par Degas, estimé 400 000 à 600 000 livres, a été enlevé à 820 000 livres (6,3 millions de francs). Mais il n’y a pas eu d’enchères pour Le Rio della Salute à Venise, par Monet (estimé 1,4 à 1,8 million de livres), une période de l’artiste qui intéresse peu le marché.

Guitare sur une table, une nature morte sans grand intérêt peinte par Picasso à Fontainebleau en 1921 – à la même époque que ses compositions aux Trois musiciens, infiniment plus intéressantes – a été achetée 920 000 livres (7 millions de francs) par Nahmad Partnership, contre une estimation de 1 à 1,5 million de livres. Un bon tableau surréaliste, La lectrice soumise de Magritte, œuvre précoce estimée 250 000 à 350 000 livres, a fait 220 000 livres (1,7 million de francs). En revanche, du même artiste, la pomme en pierre intitulée La parole donnée, 1963, estimée 700 000 à 900 000 livres, n’a pas trouvé preneur.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°21 du 1 janvier 1996, avec le titre suivant : Décevant…

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