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PARIS PHOTO

Dans les galeries, floraison d’inédits

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 31 octobre 2017 - 987 mots

Petites et grandes enseignes mettent l’accent sur les monographies, tandis que se distinguent plus de documentaires et une création photographique internationale.

Paris. Après Denis Roche en 2016, c’est au tour de Lise Sarfati de faire l’affiche de Paris Photo 2017 avec « Oh man », sa nouvelle série. Une photographie contemporaine en couleur donc, pour donner le ton d’une édition marquée davantage par des solo shows ou la confrontation de deux artistes, et une mise en avant de la création contemporaine plus marquée que d’habitude. La scène française notamment avec, outre les dernières réalisations de Lise Sarfati (galerie Particulière), Denis Rouvre (Project 2.0), Mathieu Bernard-Reymond (Baudoin Lebon), Marina Gadonneix & Isabelle Le Minh (Christophe Gaillard) ou encore Michel Le Belhomme et Thibault Brunet (Binome). Aux Filles du Calvaire, Noémie Goudal, Thierry Fontaine et Laura Henno forment un trio convaincant, rejoint par Charles Fréger qui incorpore la galerie. Dans le secteur Prismes, Aurélie Pétrel (Gowen) déploie ses expérimentations photographiques.
 

Documentaires percutants

La photographie documentaire s’invite par ailleurs bien plus cette année. Scènes de la vie quotidienne américaine de Paul Graham ou situation des camps de réfugiés chez Richard Mosse (Carlier/Gebauer) expriment des drames humains. Il est aussi question d’exil forcé chez l’Iranien Payram (Maubert). L’écriture de l’Ukrainien Boris Mikhaïlov (Suzanne Tarasiève) sur la Russie est encore plus abrupte et radicale. Différemment décalée est celle de l’Allemand Tobias Zielony (KOW) sur l’Ukraine, sa jeunesse underground et les forces spéciales russes implantées en Crimée. La démarche d’Olga Chernysheva sur la vie moderne en Russie (Diehl/Temnikova & Kasela) s’affirme en revanche plus conceptuelle. Enfin, prégnant est le regard en noir et blanc de Shawn Walker et de Ming Smith (Steven Kasher), quand ils documentent le quotidien des Afro-Américains dans les années 1960-1970 sur fond de luttes et revendications des Black Panthers. Le retour de Dana Lixenberg (Grimm) sur le quotidien des résidents d’Imperial Courts à Los Angeles après les émeutes de 1992 est aussi un percutant équilibre entre images d’archives et photographie d’auteur, tout aussi convaincant que le récit de Matthias Bruggmann (Polaris) sur le conflit syrien, prix Élysée 2017. Le focus sur « 1968 : Le feu des idées » de l’Argentin Marcelo Brodsky (Rolf Art et Henrique Faria) revient pour sa part sur les différentes manifestations politiques marquantes de cette époque. Les photographies de Gilles Caron (School Galerie) impriment d’autres souffles de révolte, tandis que la série « Torture » d’Andres Serrano (Nathalie Obadia) décline différents grands formats que ceux déjà montrés l’an dernier. Susan Meiselas fait quant à elle son entrée à Paris Photo avec une de ses séries emblématiques « Carnival Strippers (1971-1978) » sur les stripteaseuses de carnaval aux États-Unis (Danziger). Le regard de Tom Wood (Sit Down) sur le quotidien des habitants de Liverpool ou de l’Irlande ramène pour sa part au talent de « ce génie méconnu de la photographie britannique », comme le qualifie Martin Parr. La force des images de Mathieu Pernot sur les gitans (Éric Dupont) ou sur les blockhaus de la Seconde Guerre mondiale tient justement à la capacité du photographe à rendre palpable la personnalité et le vécu de ce qu’il photographie.

La manipulation de l’image est un autre temps fort de cette édition. D’Anne et Patrick Poirier (Mitterrand), Liz Nielsen (NextLevel) aux solo shows d’Annegret Soltau (Anita Beckers) ou d’Edgar Martins (Mélanie Rio Fluency) se développent différentes explorations du médium. Les mises en scène sophistiquées de Vanessa Beecroft sont à voir chez Caroline Smulders & Lia Rumma Gallery. Les photogrammes de Man Ray (Françoise Paviot) ou ceux de György Kepes (Robert Koch) portent la créativité de l’entre-deux-guerres, perçue aussi dans le focus sur Ilse Bing par Karsten Greve et L’Hippocampe de Jean Painlevé (Lumière des Roses), comme dans l’étrange portrait sans titre d’une femme aux bigoudis de Dora Maar, autre pièce rare chez Gilles Peyroulet & Cie. Dans ce registre de la pièce unique, le XIXe propose deux pièces exceptionnelles de Charles Nègre (Hans. P. Kraus Jr. et Françoise Paviot).
 

Photographes de légende, de l’Allemagne au Japon

Parmi les autres grandes exclusivités de la foire se distingue aussi le solo show consacré à la création photographique de Sigmar Polke (Sies Hoke, Kicken) et celui sur Karl Hugo Schmölz (Van der Grinten) à l’occasion du centième anniversaire de la naissance du photographe allemand. La création japonaise, comme toujours bien représentée, réserve à Paris Photo des pièces récentes de ses auteurs phares tels Masao Yamamoto (Etherton), Rinko Kawauchi (Christophe Guye), Yojiro Imasaka (Miyako Yoshinaga), mais aussi des pièces plus historiques comme dans le cas de Shigeru Onishi (MEM), Kenshichi Heshiki (NAP) ou de Katsunobu Yaguchi (Keiko Ogane), avec la série légendaire au complet de Washington Documentaries présentée dans le secteur Prismes.

Enfin, les stands de Paris Photo ne manquent pas de répondre à l’actualité de la photographie parisienne. Irving Penn s’expose chez Hamiltons, David Hockney chez Lelong, Malick Sidibé chez Agnès b., Raymond Depardon chez Magnum Photos, Agnès Varda chez Nathalie Obadia avec une série inédite sur la Chine en 1957 et Sophie Calle chez Fraenkel (galeriste que vient d’incorporer par ailleurs Stéphanie Solinas). Exposé dans « Autophoto » à la Fondation Cartier, Arnold Odermatt, policier suisse qui pendant trente ans a constitué des archives photo étonnantes, fait l’objet d’un solo show chez Springer. Exposée en début d’année 2017 au Fotomuseum Winterthur, Jungjin Lee voit quant à elle se déployer dans le secteur Prismes la totalité de « Unnamed Road », fresque elliptique époustouflante sur Israël et la Palestine (Howard Greenberg, Andrew Bae, Camera Obscura et Stephan Witschi). Ray K. Metzker, qui compte également parmi les plus belles expositions de l’année en galerie, se retrouve sur le stand de Les Douches. On trouve en outre chez Howard Greenberg la photographie Ballet d’Alexey Brodovitch que l’on découvre dans la collection Marin Karmitz et que Karl Lagerfeld, invité d’honneur de Paris Photo, a retenu dans sa sélection. Quant à l’invitation de Gagosian faite à Patti Smith d’exposer ses propres photos et d’assurer le commissariat du stand, elle fera à coup sûr le buzz.

 

Légende photo

Arnold Odermatt, Stans, 1971, série « Im Dienst », c-print, 50 x 50 cm. Courtesy galerie Springer, Berlin.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°488 du 3 novembre 2017, avec le titre suivant : Dans les galeries, floraison d’inédits

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