Ventes aux enchères

Coup de mou à Londres

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 13 février 2020 - 743 mots

Les ventes d’art impressionniste et moderne de Christie’s et Sotheby’s accusent une baisse de près de 40 % par rapport à l’an dernier. En cause, un climat défavorable qui rend frileux les détenteurs de chefs-d’œuvre.

Londres. Les ventes du soir d’art impressionniste, moderne et surréaliste organisées à Londres au cours de la première semaine de février ont totalisé 157 millions de livres sterling (185 M€), contre 253,3 (288 M€) en 2019. Le volume des ventes, tant du point de vue du résultat global que du nombre de lots (82 contre 126 l’an passé), a baissé de près de 40 % par rapport à 2019, une année qui a déjà connu un fléchissement. « Cette diminution de volume ne signifie pas que les prix ont baissé mais que la confiance du marché a baissé, analyse le conseiller Thomas Seydoux. Les œuvres importantes ont été difficiles à “sourcer” cette saison car leurs détenteurs les gardent en attendant des jours meilleurs – compte tenu du coronavirus, du Brexit et d’une économie surgonflée qui a du mal à aller de l’avant. » Ajoutant : « Dans ce contexte, avec des résultats mitigés, un marché fatigué et opaque, il est très difficile de charmer des vendeurs, tandis que les garantisseurs sont plus prudents que par le passé, ne voulant pas “surgarantir” des œuvres. »

Pour sa vente du soir, Sotheby’s a récolté 50 millions de livres (57 M€), 42 millions de livres au marteau, soit un résultat proche de son estimation basse (42 M£). Non seulement elle est bien en deçà de son total de l’an passé (– 43 %) mais elle réalise son pire score depuis 2009. La vente, poussive, a été sauvée par des œuvres de la collection Lévy : Gelée blanche, jeune paysanne faisant du feu (1888), de Camille Pissarro, et La Corne d’or. Matin, de Paul Signac, adjugées respectivement 13,3 et 7,6 millions de livres (15 et 8,6 M€). Ces deux toiles avaient été volées par les nazis en 1940 et restituées aux héritiers de Gaston Lévy en 2018 après avoir passé dix-huit ans au Musée d’Orsay. Le tableau de Pissarro est le deuxième prix le plus élevé aux enchères pour l’artiste, derrière Le Boulevard Montmartre, matinée de printemps, cédée 19,7 millions de livres (24 M€) en 2014. Fait du hasard, cette œuvre aussi avait fait l’objet d’une restitution aux héritiers de l’industriel Max Silberberg en 2000. « Pour le reste, cela a été très difficile car il n’y avait pas de quoi exciter les foules. Cela soulignait un peu la fatigue ambiante du marché », commente Thomas Seydoux.

De Lempicka, artiste femme la plus chère en vente publique d’art moderne

Christie’s s’en est mieux sortie avec un total de 107 millions de livres (128 M€), dans la fourchette de son estimation, mais en dessous du résultat de 2019 (165 M£). Sa section d’œuvres surréalistes en particulier a fait la différence avec 24 lots qui ont récolté 44 millions de livres (53 M€), dont 75 % de la valeur a été réalisée par Magritte. « La vente comportait de bons tableaux, à des estimations raisonnables. Ces ventes à thème sont extrêmement difficiles à monter mais portent encore leurs fruits, avec un regain d’intérêt pour des tableaux iconiques de Magritte », souligne Thomas Seydoux. La toile À la rencontre du plaisir (1962, [voir ill.]) a ainsi été adjugée 18,9 millions de livres (22,7 M€), deuxième plus haut prix pour l’artiste belge.

Autre prix remarquable, le Portrait de Marjorie Ferry (1932) de Tamara de Lempicka est parti à 16 millions de livres (19 M€). Ce record pour l’artiste vient détrôner La Tunique rose, emportée pour 13 millions de dollars (20 M€) en novembre 2019, et, de surcroît, fait d’elle l’artiste femme la plus chère vendue au sein d’une vente d’art impressionniste et moderne, généralement dominée par Monet. Un autre record du monde a été enregistré, celui de l’expressionniste allemand George Grosz avec Gefährliche Straße (« Route dangereuse ») (1918), vendu 10 millions de livres (11 M€). L’œuvre était restée dans la même collection suisse pendant soixante ans. « Ce tableau était exceptionnel. Selon moi, c’est le lot de la saison en termes d’intérêt, de rareté et d’importance historique », confie Thomas Seydoux. Aujourd’hui, le marché privilégie les œuvres de qualité aux grands noms.

Globalement, les œuvres impressionnistes se sont vendues à un prix voisin de leur estimation basse. « Il n’y avait pas de tableaux d’une grande qualité, de Monet extraordinaire, à part le Pissarro. Ce marché est très calme, très mesuré, très fatigué, mais il est là », observe le conseiller en art.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°539 du 14 février 2020, avec le titre suivant : Coup de mou à Londres

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