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PARIS ART WEEK 2025 | La semaine de l'art contemporain : enquête

Comment fonctionnent les comités de sélection des foires

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 22 octobre 2025 - 894 mots

Pour pouvoir participer à une foire, les galeries soumettent un dossier de candidature à son comité de sélection. Comment ses membres, et pairs, exercent-ils ce regard, et quel intérêt y trouvent-ils ?

Monde. Alors que 29 galeries font leur entrée cette année à Art Basel Paris, pendant que des centaines d’autres sont refusées, le fonctionnement des comités de sélection de foires ne semble faire l’objet d’aucune remise en question. D’Art Brussels à Arco (Madrid) en passant par Art Basel, Artissima (Turin) ou Frieze (Londres), le principe est le même : les galeries payent (de moins de 400 euros, au plus bas coût, à plus de 900 euros) afin de soumettre leur dossier de candidature. Un petit nombre de galeristes, désignés par l’organisation de la foire et réunis en comité, sont chargés d’examiner ces dossiers, d’abord de façon individuelle, puis lors de sessions collégiales, selon des critères soumis à leur appréciation.

Il entre dans les débats parfois vifs une part de subjectivité, que la madrilène Arco tente de contenir grâce à un système de notation des différents paramètres, comme la liste des artistes de la galerie, leur présence dans les institutions, etc. Et les enjeux varient d’un comité à l’autre. Certains doivent se montrer très sélectifs car la foire reçoit beaucoup plus de demandes qu’elle ne peut accueillir d’exposants, à l’exemple d’Art Basel Paris, à laquelle près de 700 dossiers ont été adressés cette année. D’autres comités se voient confier la tâche plus prospective d’identifier des galeries intéressantes et de les rallier à la foire, car cette dernière peine à remplir ses allées. « À l’époque où j’ai fait partie des comités de la Fiac [Foire internationale d’art contemporain], le challenge était de convaincre des galeries sérieuses et importantes d’y prendre part », se souvient Olivier Antoine, directeur de la galerie Art : Concept.

Une participation chronophage

On peut s’interroger sur la déontologie d’un système qui repose sur le jugement d’une dizaine de professionnels appelés à voter pour ou contre leurs confrères – et néanmoins concurrents. C’est une des limites de l’exercice. Lequel est également contraint par le facteur temps. Il faut en effet consacrer des heures au suivi de l’actualité des galeries et à l’examen serein des projets qu’elles soumettent aux foires. Il faut s’engager à tenir les délais, être fiable, avoir une légitimité à juger conférée par l’expérience du métier, maîtriser au moins une langue étrangère… « Si bien que le vivier naturel des membres de comité tend à être assez réduit », remarque Philippe Charpentier, cofondateur de la galerie Mor Charpentier, membre des comités d’Art Basel Miami et d’Artissima.

La composition des comités doit aussi assurer une bonne couverture géographique d’un marché désormais mondialisé. Dans le meilleur des cas, les compétences se complètent. On a pu voir ainsi un important contingent de galeries portugaises arriver à Art Brussels à la faveur de la présence, dans le comité de la foire, de leur consœur lisboète Vera Cortês.

La dimension chronophage de la tâche, si l’on décide de l’accomplir sérieusement, est unanimement soulignée. Certaines foires comme Art Basel rémunèrent les galeries pour leur implication, sous la forme d’un forfait journalier. Ou bien, sur le modèle d’Artissima, elles déduisent un montant fixe de leurs frais de participation à la foire. D’autres se contentent de défrayer les galeristes pour leur venue aux réunions de délibération.

Soutien à une scène, pouvoir d’influence

La motivation des membres qui acceptent de faire partie de ces instances ? La charge a une « dimension honorifique » selon Niklas Svennung, directeur de la galerie Chantal Crousel, présent à l’époque dans le comité de la Fiac et qui a été invité à rester dans celui d’Art Basel Paris. « En tant que galeriste français, c’est aussi intéressant de défendre une scène à laquelle on appartient », observe-t-il. Bien que cela représente « beaucoup de travail », Isabelle Alfonsi, cofondarice de la galerie Marcelle Alix et experte pour le secteur « Émergence » auprès du comité de sélection d’Art Basel Paris, n’a pas hésité : « Cela me permet de soutenir les jeunes galeries méritantes. » Il y a aussi l’excitation à passer dans les coulisses, à accéder aux arcanes de l’organisation, à une vision « macro » du marché… « On parle de toute la scène artistique européenne, ça maintient un niveau de curiosité. On voit aussi se dessiner certaines tendances, comme la vague de figuration qui a déferlé ces dernières années », remarque Loïc Garrier, directeur de la galerie parisienne Ceysson & Bénétière, membre du comité d’Art Brussels. A pu s’apprécier, également, « l’arrivée des galeries asiatiques à Miami », renchérit Philippe Charpentier. C’est aussi une façon d’acquérir un pouvoir d’influence. Dans le meilleur des cas, pour l’exercer de façon positive. « J’ai contribué à faire entrer [à Art Basel Miami] la Galerie Allen sur le secteur “Nova” et Pavec sur le secteur “Survey” », se félicite ainsi le président du Comité professionnel des galeries d’art.

Le pouvoir des comités peut aussi s’exercer contre. Et bloquer l’entrée d’une galerie à une foire. « De 1996, où j’avais participé une première fois, à 2006 où j’ai pu revenir, j’ai été exclue de Bâle pendant dix ans », relate Nathalie Obadia, qui analyse en ces termes aujourd’hui cette mise à l’écart : « Je montrais de la peinture, je n’étais pas une galerie branchée, je ne faisais pas partie des réseaux de l’art contemporain… » Rétrospectivement, elle reconnaît en avoir souffert et s’être battue contre cette sentence reconduite d’année en année. « À l’époque, faire Art Basel, c’était un label ! »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°663 du 17 octobre 2025, avec le titre suivant : Comment fonctionnent les comités de sélection des foires

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