Galerie - Antiquaire

ENTRETIEN

Christophe Hioco : « Nous développons une relation digitale personnalisée avec nos clients »

Directeur de la galerie Hioco à Paris

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 28 janvier 2021 - 877 mots

Le marchand d’art asiatique incite ses confrères antiquaires, pour faire face à la concurrence des maisons de ventes, à valoriser leur travail de recherche sur les pièces, à utiliser tous les outils numériques et à se montrer proactif vis-à-vis de leur clientèle.

Christophe Hioco. © Annie Watt
Christophe Hioco.
© Annie Watt
Comment avez-vous vécu cette année de pandémie ?

J’ai pris le parti de continuer à travailler, pour garder le contact avec les clients – je n’ai pas opté pour le chômage partiel. La crise a des côtés négatifs, avec ses boutiques fermées, événements annulés (même si les foires ne représentent qu’un tiers de mon chiffre d’affaires), mais d’un autre côté, ces périodes sont pleines d’adrénaline et permettent souvent de prendre des décisions que peut-être nous ne prendrions pas en temps normal. Je crois au fait que les crises sont un accélérateur de tendances.

Les maisons de ventes semblent être les grandes gagnantes de cette crise. Pour quelles raisons selon vous ?

Beaucoup de marchands d’art ancien et d’antiquaires sont restés absents du marché. Ils ont fait le dos rond, se sont mis en chômage partiel en attendant que le monde redevienne comme avant. Je pense que c’est une erreur : le monde futur ne sera pas comme avant. Cette crise est au contraire l’occasion de réfléchir, de prendre des initiatives, et surtout il faut rester présent. Beaucoup n’ont pas du tout anticipé le fait que les grandes maisons de ventes seraient très actives, comprenant que, pendant le confinement, les collectionneurs avaient le temps et qu’il fallait interagir avec eux. Elles ont multiplié les ventes en ligne et dopé leurs ventes privées. Aujourd’hui, sur le site Internet de Christie’s et de Sotheby’s, les ventes privées apparaissent au même titre que les annonces de ventes aux enchères ! Si les antiquaires sont fermés et qu’en plus ils ne font rien pour rester présents sur la Toile, alors les collectionneurs se tournent vers les sites des grandes maisons de ventes, très performants, qui continuent de grignoter du terrain. Comment rester compétitifs face à cela ?

Comment vous êtes-vous réinventé ?

Surtout, nous avons accéléré les tendances. Par exemple, nous avons été beaucoup plus dynamiques sur notre site Web, à travers des newsletters dont nous avons amélioré le contenu de manière significative. Je ne me contente plus d’expliquer la pièce et de montrer deux ou trois photos, je rédige un dossier complet d’une dizaine de pages, comprenant un rapport de conditions très détaillé, la mention des pièces comparatives conservées dans des musées, le tout agrémenté de vidéos, et cela que ce soit pour une pièce à 5 000 ou à 100 000 euros. Et j’ai eu des ventes régulières. Nous avons une clientèle très internationale, dont des clients qui achètent sur le site et que je n’ai jamais vus ! Le pourcentage d’objets vendus en ligne est significatif, il représente environ un tiers de nos ventes.

Comment s’adapter au nouveau contexte ?

D’abord, il y a le digital. Il faut impérativement avoir un site à jour, le renouveler quotidiennement. Il doit être très actif, avec des pièces à vendre comme le font les grandes maisons de ventes en proposant des ventes privées. Il faut également utiliser tous les outils numériques : Instagram, Whatsapp – j’y réalise des ventes même pour des pièces à 80 000-100 000 euros. Comme nous ne pouvons plus partager l’émotion que nous confère une pièce sur les foires, faisons-le par des vidéos et des « webseminars » [« conférences en ligne »].

Ensuite, par rapport aux maisons de ventes, il y a une différenciation très importante mais que nous ne faisons absolument pas valoir : le travail de recherche sur les pièces et les rapports de conditions, qui n’ont rien à voir avec ce que ces maisons proposent – par manque de temps. J’achète cinq à dix pièces par mois, donc j’ai le temps de m’y consacrer en profondeur. Même chose pour les analyses scientifiques, que nous pratiquons régulièrement.

Enfin, les marchands doivent impérativement communiquer sur leur travail. D’une manière collective – pour être plus efficaces – notamment à travers les médias, avec une campagne de presse : « Nous antiquaires, voilà nos valeurs, voilà notre code d’éthique, voilà comment nous travaillons et voilà les garanties que nous apportons. » Mais aussi à titre individuel, auprès de nos clients. Dans chacune de mes newsletters , je rappelle mes garanties : par exemple, si un client n’est pas satisfait ou si une erreur sur l’authenticité a été commise, il retourne la pièce et est remboursé dans les 24 heures.

Il faut aussi multiplier les initiatives communes : nous venons de créer « Asian Art Society », qui regroupe une quinzaine de marchands en arts asiatiques, et qui diffuse chaque mois un catalogue par mail et sur Instagram.

Par ailleurs, le SNA [Syndicat national des antiquaires] est resté silencieux depuis le mois de mars. Je trouve cela très préoccupant. J’ai beaucoup apprécié l’initiative belge de Rocad (Royal Chamber of Art Dealers), qui communique largement sur un code d’éthique dont le syndicat français devrait s’inspirer !

Quel est l’enjeu majeur de demain ?

La communication avec les clients, en développant une relation digitale personnalisée. L’objectif est de comprendre, grâce aux achats des clients chez nous, au nombre de visites, quelles sont leurs envies, pour ensuite revenir vers eux ainsi : « Je viens d’acheter telle pièce, j’ai pensé que cela pouvait vous intéresser. » Il faut exploiter les data. Et j’ai des résultats très probants !

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°559 du 22 janvier 2021, avec le titre suivant : Christophe Hioco, directeur de la galerie Hioco à Paris : « Nous développons une relation digitale personnalisée avec nos clients »

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