Galerie

ART CONTEMPORAIN

Baudart de la récupération

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 9 mai 2019 - 499 mots

PARIS

La Galerie Valentin présente les séries d’Éric Baudart réalisées à partir d’éléments trouvés et transformés par une intervention plastique.

Paris. D’Éric Baudart, on peut vraiment dire qu’il a amené la rue dans le salon. C’est en effet lors de ses déambulations dans la ville qu’il repère et rapporte dans son atelier ces objets abandonnés, laissés pour compte, ces rebuts destinés à la décharge et auxquels il va donner une seconde vie. Des ready-made ? Pas du tout. « Mon travail n’a rien à voir avec le ready-made. Je ne me suis jamais senti dans cette lignée-là », confie-t-il. Car à la différence de Marcel Duchamp et de ses nombreux descendants, Baudart intervient toujours sur ses trouvailles. Un parfait exemple en est donné à l’occasion de sa 7e exposition (depuis 2004) à la Galerie Valentin avec une œuvre de la série des « ConCav’» (série commencée en 2008, qui l’a fait connaître et qu’il poursuit aujourd’hui). Elle est composée d’un rectangle d’affiches superposées et déchirées, presque friables sur les côtés mais qu’il a repeint, ici en blanc, pour obtenir une forme monochrome, une présence forte sur le mur, un volume dans l’espace. La monochromie est également au centre de cette grande bâche en PVC que Baudart a froissée et triturée avant de la tendre sur un support plus solide et de projeter sur sa surface de la peinture gris métallisé, créant ainsi des ondes, des vagues de reflets, des brillances et des matités.

Quelquefois son intervention est très légère, voire discrète. Elle peut consister en une simple mise en relation de deux objets comme ces deux mannequins en résine pour sous-vêtements, donc coupés au-dessus de la taille et en haut des cuisses, simplement placés face à face et à touche-touche sous le titre explicite de You&Me [voir ill.]. Ou encore ces deux photographies fanées d’un étonnant hôtel à Alicante (Espagne) construit sans permis à la fin des années 1950 ; il a simplement plaqué de la cartoline sur les cadres initiaux en rotin, créant ainsi un léger décalage. Car la force de Baudart est là, dans sa capacité à entrevoir les potentialités plastiques d’un rien, d’un lambeau ou d’une ruine, à magnifier leur matière, à débusquer un peu de poésie et de magie (et quelquefois de l’humour) là où on n’en attend pas. Et à poser la question du temps, surtout quand il introduit dans ses pièces un mouvement, notamment avec ce ventilateur qui tourne très lentement pour Révolution III. Ces différents aspects créent le lien entre des œuvres qui, à première vue, apparaissent disparates dans leurs matériaux d’origine, mais dont Baudart sait jouer avec les textures pour les transfigurer.

Entre 2 000 et 24 000 euros selon leur taille, les prix des œuvres sont conformes à ceux d’un artiste de sa génération (il est né en 1972, vit et travaille à Paris). Singulier, il a toujours été suivi fidèlement par des collectionneurs privés – bien plus que par des institutions – et ses œuvres ne sont quasiment jamais présentées en ventes publiques.

Éric Baudart, Neutralino,
jusqu’au 25 mai, Galerie Valentin, 9, rue Saint-Gilles, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°523 du 10 mai 2019, avec le titre suivant : Baudart de la récupération

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