Art Paris & Brussels

Mode d'emploi

Par Aurélie Romanacce · L'ŒIL

Le 17 mars 2017 - 1497 mots

Dans un marché de plus en plus concurrentiel, les foires d’art contemporain doivent sans cesse se réinventer pour exister. Malgré un profil très différent – l’une est généraliste, l’autre tournée vers la découverte –, Art Paris et Art Brussels se heurtent aux mêmes difficultés. Comment résister d’un côté à la Fiac, Art Basel ou Frieze et, de l’autre, à des salons à l’économie plus légère ? Réponse en 5 préceptes.

1 - Un lieu attractif tu trouveras
En choisissant le Grand Palais et Tour & Taxis, Art Paris et Art Brussels misent chacune sur des lieux prestigieux pour attirer les marchands et les collectionneurs. La verrière du monument parisien, qui accueille également la Fiac, offre un écrin éblouissant aux galeristes français et étrangers pour présenter leurs stands. « Les galeries africaines aiment le Grand Palais, c’est aussi pour cela qu’elles viennent cette année », reconnaît Guillaume Piens, directeur d’Art Paris. Seul hic, le prix. Pour occuper un tel lieu, la location d’un stand est forcément coûteuse. Daniel Templon, qui participe à la foire depuis douze ans, regrette qu’elle soit si chère : « J’ai payé 50 000 euros pour un emplacement de 100 m2. C’est le même prix qu’à la Fiac », soupire le marchand.

Si Art Brussels ne rencontre pas les mêmes enjeux financiers, elle a dû néanmoins sacrifier cinquante galeries par manque de place, depuis son déménagement en 2016 dans le nouveau bâtiment Tour & Taxis. Un renoncement assumé par la directrice d’Art Brussels qui voit dans cette sélection « un moyen d’aiguiser encore davantage la qualité de la foire ». Le lieu, situé en plein centre-ville de Bruxelles, est en effet très prisé par les marchands et les collectionneurs pour son architecture moderne et sa lumière naturelle.

2 - Le bon moment tu choisiras
La mondialisation des échanges économiques entraîne un marché de l’art de plus en plus frénétique. « Le calendrier compte 250 foires de par le monde », révèle avec une pointe d’effarement Anne Vierstraete, la directrice d’Art Brussels. Choisir une date d’ouverture n’a donc rien d’anodin. « Depuis 1997, Art Brussels ouvre toujours aux alentours du 20 avril », rappelle-t-elle. Pourquoi à ce moment-là ? « Le calendrier est tellement difficile que, lorsqu’on y occupe une petite place, il faut y rester. » Autre raison avancée et non des moindres, la proximité temporelle et géographique d’Art Cologne, foire réputée qui ouvre quelques jours avant, pendant ou après Art Brussels. Un atout pour le salon belge, qui compte sur sa complémentarité pour « attirer les collectionneurs allemands qui font le déplacement », confirme Anne Vierstraete. Art Paris, de son côté, a choisi depuis plusieurs années de ne plus ouvrir en octobre, en même temps que la Fiac, mais au printemps, du 30 mars au 2 avril. Auparavant taxée de « salon des refusés » de la Fiac, la foire peut aujourd’hui valoriser sa propre identité, tout en bénéficiant du sillage des collectionneurs drainés par Drawing Now et par le Salon du dessin qui ont lieu fin mars.

3 - Une identité forte tu auras
Avec 130 galeries de 29 pays et une fréquentation de 53 000 visiteurs en 2016, Art Paris se présente comme une grande foire généraliste d’art contemporain, d’art moderne et de design. Un profil qui attire aussi bien des galeries régionales que des marchands parisiens établis, comme
AD Galerie (Montpellier) et Nathalie Obadia (Paris), ou européens, comme Guy Pieters en Belgique. Avec une fourchette de prix située entre 120 euros et plus de 100 000 euros, Art Paris s’affiche comme une manifestation accessible au plus grand nombre. Daniel Templon reconnaît d’ailleurs que si « la foire est de qualité moyenne, tout le monde est là, les résultats sont excellents ». Un sentiment partagé par Thessa Herold, qui participe à Art Paris depuis le début. « C’est une foire très française dans son public, mais qui s’adresse à des collectionneurs qui ont l’œil », détaille la galeriste, qui présente cette année un stand consacré aux artistes d’Amérique latine et des Caraïbes, dont plusieurs œuvres de Robert Matta et de Wifredo Lam autour de 100 000 euros. Dans un autre registre, la Galerie Philippe Gravier, dont c’est la première participation à Art Paris, souhaite conquérir « un nouveau marché de collectionneurs » avec un solo show spectaculaire de l’architecte Sou Fujimoto. Intitulés Forest of Books, ces modules de plus de 2 m de haut, limités à cinq exemplaires, oscillent entre art, architecture et design. Natalie Seroussi, qui participe elle aussi pour la première fois à Art Paris avec un ensemble d’œuvres de Bernard Heidsieck et Gil Joseph Wolman, artistes poètes très appréciés des institutions, espère quant à elle « élargir leur reconnaissance en proposant aux collectionneurs ces artistes confirmés à des prix peu élevés ».

Dans un tout autre registre, Art Brussels fait le pari de l’avant-garde et de la découverte. Avec 142 galeries de 28 pays et 26 000 visiteurs en 2016, la foire peut se targuer d’attirer 20 % de collectionneurs étrangers. « L’ADN de la foire est un mélange de création très émergente et d’artistes établis qui se décline en trois sections identifiables », détaille Anne Vierstraete. « Discovery », avec la première participation de la Galerie Anne de Villepoix cette année, est dédiée aux artistes prometteurs ; « Prime », composée notamment des galeries Lelong, Almine Rech, Galleria Continua et Xavier Hufkens, est consacrée aux artistes établis et « Rediscovery », aux créateurs méconnus. Certains marchands d’art, si leur projet est retenu, n’hésitent d’ailleurs pas à investir les trois sections de la foire. C’est le cas de Bernard Ceysson, qui présente cette année un solo show du jeune artiste Nicolas Momein dans la catégorie « Discovery » (entre 2 000 et 12 000 euros pour ses tableaux en silicone), un stand traditionnel composé d’œuvres de Claude Viallat et Bernard Venet dans la section « Prime » (de 5 000 à 60 000 euros) et une mini-rétrospective de l’artiste historique Jean Messagier à « Rediscovery » (de 20 000 à 120 000 euros). Pour Anne Vierstraete, outre la dimension « chaleureuse et familiale » de la manifestation, si Art Brussels s’inscrit dans la durée, c’est parce que « la foire est fidèle à ce que le collectionneur belge recherche : découvrir les grands noms de demain ».

4 - Les nouvelles tendances tu sentiras
« Depuis deux ans, on travaille sur l’Afrique ; on peut dire que j’ai eu du nez », se félicite Guillaume Piens. En confiant la sélection d’une vingtaine de galeries de pays africains à la commissaire d’exposition Marie-Ann Yemsi, Guillaume Piens a su en effet anticiper une tendance majeure du marché de l’art en constante évolution. « Il y a une lame de fond d’événements africains cette année. La Galerie des Galeries propose un focus sur les artistes africains, le Musée Dapper fait partie de notre parcours VIP, Appartement de Nathalie Miltat propose une exposition sur Myriam Mihindou… C’est du jamais-vu à Paris ! », s’exclame-t-il. Autre tendance forte partagée par les deux foires, l’accent mis sur l’art moderne. La preuve à Art Brussels avec la section « Rediscovery ». Créée en 2016, cette nouvelle section se consacre aux artistes méconnus ou oubliés, comme Raoul Ubac ou Natela Iankoshvili présentés cette année afin de « s’adapter à ce nouveau mouvement de fond sur le marché de l’art et répondre aux attentes de notre public », reconnaît la directrice d’Art Brussels. Une tendance qui lui a aussi permis d’attirer des galeries « historiques qui nous regardent différemment, comme Fred Jahn ou Chelouche », ajoute-t-elle. Dans la même optique, Art Paris a également renforcé sa sélection de galeries d’art moderne avec le retour de Die Galerie (Francfort) et les premières participations de Frans Jacobs (Amsterdam) et Michel Descours (Lyon). « On constate une forme de repli. Les gens sont plus acheteurs que collectionneurs. Ils préfèrent des signatures qui ne vont pas se dévaluer aux excès de l’art contemporain des trente dernières années », analyse Guillaume Piens.

5 - De la valeur ajoutée tu créeras 
Parcours VIP, programme artistique, conférences, récompenses, etc. Une foire digne de ce nom, si elle veut séduire chaque année de nouveaux collectionneurs et fidéliser les anciens, doit ajouter au simple aspect commercial une dimension artistique « désintéressée ». Anne Vierstraete en est convaincue : « Seule une démarche authentique visant une vraie richesse de contenu permet à une foire de durer. C’est également ainsi, je pense, qu’une foire apporte une contribution au marché de l’art qui va bien au-delà de sa mission commerciale. » Outre le traditionnel parcours VIP en partenariat avec le Wiels ou Bozar à Bruxelles, Art Brussels propose cette année une exposition sur les « talismans » des artistes. Intitulée « Mementos: Artists’ Souvenirs, Artefacts and Other Curiosities », l’exposition rassemble des objets confiés par une centaine de créateurs internationaux comme autant d’autoportraits rares et intimes. De son côté, depuis l’arrivée de Guillaume Piens en 2012, Art Paris s’est aussi dotée d’un véritable parcours VIP tout en accueillant des initiatives non lucratives au sein de la manifestation. En partenariat avec une association africaine et la fondation Moleskine, la foire présente cette année des carnets de dessins réalisés pendant des workshops sur des sujets tabous comme la guerre ou la sexualité.

« Art Paris Art Fair »

Du 30 mars au 2 avril 2017. Grand Palais, avenue Winston-Churchill, Paris-8e. Ouvert de 11 h 30 à 20 h le jeudi et le samedi, 21 h le vendredi, 19 h le dimanche. Tarifs : 25 et 12 €. Programme complet : www.artparis.com

« Art Brussels. From Discovery to Rediscovery »

Du 20 au 23 avril 2017. Tour & Taxis, avenue du Port 86c, Bruxelles (Belgique). Ouvert de 17 h à 19 h. Nocturne jusqu’à 22 h le jeudi. Billets et programme complet : www.artbrussels.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°700 du 1 avril 2017, avec le titre suivant : Art Paris & Brussels

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