Art Basel, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre

Bâle. Deux annonces ont précédé cette année l’ouverture d’Art Basel en Suisse. La liste des 36 artistes lauréats des Art Basel Awards. Et surtout, une nouvelle déclinaison de la foire, « Art Basel Qatar », en partenariat avec deux institutions qataries, prévue pour voir le jour à Doha en février 2026. Deux initiatives qui visent à renforcer la marque « Art Basel » en même temps que le marché de l’art et ses relais, en particulier au Moyen-Orient. En attendant, l’édition 2025 s’apprête à ouvrir à Bâle où elle réunit du 19 au 22 juin 289 galeries en provenance de 42 pays.

Le bâtiment principal surgira dans un halo de couleurs déployé par Katharina Grosse dont une peinture monumentale au pistolet investit la Messeplatz – une production de la galerie Gagosian. Ce débordement chromatique tentera de faire oublier un contexte international endeuillé par les guerres. Alors que l’économie mondiale est en berne, le marché de l’art est à la baisse pour la deuxième année consécutive, souligne le rapport annuel Art Basel & UBS. Et les galeries souffrent. Air de Paris (Romainville) a annoncé préférer se désister plutôt que d’accepter un stand moins bien placé que celui occupé occupe habituellement par la galerie, ce qui « nous discrédite », explique sa cofondatrice Florence Bonnefous dans une lettre ouverte.

La foire suisse maintient cependant son rythme de croisière, et on retrouvera dans ses allées les marchands et les collectionneurs fidèles à ce rendez-vous quasi immuable. Parmi les méga-galeries, Almine Rech présentera notamment des installations et des sculptures d’Hans Op de Beeck, une œuvre de Taryn Simon réalisée à partir d’une séquence parlementaire devenue virale, une toile monumentale de Larry Poons et, ce qui sera sans doute le clou de son stand, un Sunset Nude de Tom Wesselmann (3-3,5 M$). Le stand de Perrotin déploiera l’œuvre de sept de ses artistes : Mr., Genesis Belanger, Anna-Eva Bergman et Hans Hartung, Izumi Kato, Pieter Vermeersch et enfin Nina Chanel Abney (avec laquelle la galerie débute une collaboration). Son troisième étage sera occupé par des sculptures de l’artiste coréen Lee Bae. Quant à Gagosian, il marque sa trentième année de participation à Art Basel avec un accrochage de groupe, et sa présence la plus importante sur « Unlimited » à ce jour : des pièces de Piero Golia, Martin Kippenberger, Jeff Koons et Rick Lowe.

Les galeries promeuvent aussi leurs artistes dans les musées bâlois. La Fondation Beyeler montre ainsi Little Room, une nouvelle installation de réalité virtuelle de Jordan Wolfson, un artiste de l’écurie Gagosian, tandis que Julian Charrière (Perrotin) bénéficie d’une exposition personnelle au Musée Tinguely.

En ce qui concerne l’art moderne, nul doute que la foire comportera quelques trésors. Applicat-Prazan (Paris) met en avant deux peintures « exceptionnelles » de Pierre Soulages (1919-2022) réalisées en 1955 et 1956. Et la galerie Le Minotaure (Paris) a soumis un projet autour du constructivisme, avec un focus sur l’œuvre de László Moholy-Nagy, à travers sept pièces représentatives de son travail à la pointe de l’abstraction (prix jusqu’à 2 M€).

19 galeries participent pour la première fois à Art Basel, dont trois, Arcadia Missa (Londres), François Ghebaly (Los Angeles, New York) et Prats Nogueras Blanchard (Madrid, Barcelone) entrent directement dans le secteur principal. La galerie madrilène viendra avec une sélection de photographies d’Ana Mendieta (de 100 000 à 150 000 $ pièce). Les autres nouvelles venues figurent sur les secteurs « Feature », axé sur les projets historiques, et « Statements », consacré aux artistes émergents, où Nir Altman (Munich) montrera une des rares installations vidéo de la foire, Here and Elsewhere (2025) de Ndayé Kouagou.

La foire bâloise se démarque toujours par sa spectaculaire section « Unlimited », qui compte cette année 68 œuvres monumentales. Comme Midnight, d’Arlene Shechet, la plus grande des six sculptures extérieures commandées pour son exposition au Storm King Art Center (Cornwall, État de New York) en 2024. Cette structure équilibriste caractéristique de ses explorations de couleurs et matériaux sera présentée par la Pace Gallery, qui produit également une installation multimédia de Robert Longo et, en partenariat avec Kaufmann Repetto (Milan, New York) et la galerie Dvir, une cascade de larmes – Untitled (Tears Falls)– de Latifa Echakhch, composée de centaines de fils de nylon ornés de petites perles de verre. « Unlimited » accueille aussi le cycle complet des vingt sculptures monumentales « Testimoni » de Mimmo Paladino exposé pour la première fois hors de l’Italie par la galerie Cardi (Milan).

Cette édition 2025 reprend le principe de « Kabinett » (des focus à l’intérieur d’une vingtaine de stands) et introduit un nouveau secteur, « Premiere », avec dix galeries présentant des œuvres produites ces cinq dernières années. Parmi elles, Jacky Strenz (Francfort-sur-le-Main) consacre l’intégralité de son stand à la sculptrice Lin May Saeed (1973-2023), très engagée dans la défense de la cause animale. On pourra cependant se demander pourquoi ces présentations « audacieuses et avant-gardistes » ont besoin d’être regroupées dans un périmètre défini. Sans doute parce qu’elles ne constituent qu’un îlot de nouveautés dans une foire vouée aux valeurs sûres.