Foire & Salon

Art Basel, à la conquête du monde

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 23 septembre 2025 - 834 mots

PARIS

Une marque déposée, cinq foires : Art Basel est devenue, depuis une vingtaine d’années, le leader mondial des foires d’art moderne et contemporain présent sur tous les continents. Un développement rapide et surtout stratégique.

Aller ou ne pas aller à Miami ? Chaque année, alors que la grisaille s’éternise, une partie des galeristes parisiens se pose la question : vont-ils proposer leurs candidatures à la foire d’Art Basel qui se tient début décembre en Floride ? Participer, c’est engager des frais somptuaires pour louer un stand ; il faut aussi payer les billets d’avion, se loger plusieurs jours sur place… L’investissement – plus de 100 000 euros – sans garantie de rentabilité, relève du pari. La foire maintient pourtant son attractivité. En juillet, le comité de sélection d’Art Basel Miami Beach a communiqué la liste des galeries retenues : l’édition 2025 réunira 287 participants provenant d’une quarantaine de pays (dont près d’une quinzaine sont Français). Outre les exposants nord-américains (notamment un contingent de près de 50 galeries venues de la côte ouest), l’événement attire des enseignes d’Amérique latine et des Caraïbes, donc potentiellement des collectionneurs originaires du Mexique, du Brésil, d’Argentine, du Chili, de la Colombie, de Cuba, du Guatemala, du Pérou et d’Uruguay, etc., que les marchands européens ont peu d’occasions de rencontrer sur le vieux continent. Au carrefour de l’Amérique du Nord et de l’Amérique du Sud, Art Basel Miami Beach (ABMB) offre au monde de l’art une plateforme ensoleillée qui sied à certains de ses excès : c’est là qu’en 2019 Maurizio Cattelan scotcha une banane au mur du stand de la galerie Perrotin (The Comedian fut vendue pour un million de dollars avant de trouver preneur, quelques années plus tard, pour 6,2 millions de dollars chez Sotheby’s, soit 5,4 M€). Les collections privées établies dans la ville, telles celles, considérables, du couple Don et Mera Rubell, en témoignent : Miami est bien une place forte du marché.

Une vision géostratégique

ABMB n’est cependant que l’une des cinq versions d’Art Basel, dont le développement stratégique s’est accéléré. Devenue un acteur central de l’écosystème mondial de l’art, la foire d’art contemporain et moderne se tient tous les ans à Bâle (Suisse), mi-juin, à Paris, mi-octobre, à Miami, début décembre, à Doha (Qatar), pour la première fois en février prochain et à Hongkong au printemps. Un calendrier qui rythme les saisons tout en lui permettant d’occuper une position tactique dans plusieurs points du globe. Avec une longueur d’avance sur sa principale concurrente, Frieze, qui se déploie à Londres, Los Angeles, New York et Séoul, mais qui n’est pas encore installée au Moyen-Orient. À l’origine, Art Basel fut fondée à Bâle en 1970 par des marchands d’art suisses. Moins d’une centaine de galeries, quelques milliers d’amateurs d’art, le rendez-vous est d’abord relativement confidentiel. Il prend une autre dimension avec la création, en 2000, du secteur « Unlimited », consacré aux œuvres monumentales. Art Basel Miami est lancée en 2002, puis, en 2013, Art Basel Hongkong ouvre aux organisateurs les portes de la Chine, et plus largement celles de l’Asie.

Implantation à Paris

En 2021, le groupe suisse MCH, propriétaire d’Art Basel, remporte l’appel d’offres piloté par la Réunion des Musées Nationaux – Grand Palais, et détrône la Foire internationale d’art contemporain (Fiac), à Paris. La première édition, d’abord baptisée Paris+ par Art Basel, se tient en 2022. Elle devient Art Basel Paris en 2024, au moment de son aménagement sous la verrière du Grand Palais, qui renforce son rayonnement. On parle même à présent d’une rivalité entre Bâle et Paris. La foire bâloise a pour atouts le prestige de son ancienneté historique, la discrétion de son charme suisse et la démesure de son secteur « Unlimited ». Sa petite sœur bénéficie du formidable écrin de Paris, riche d’un patrimoine architectural unique, de dizaines de musées et de fondations d’art de premier plan, d’une flopée de palaces, de restaurants gastronomiques et de boutiques de luxe. Un environnement « créatif » avec lequel Art Basel, qui multiplie les invites à l’adresse de l’industrie de la mode, espère nouer des liens fructueux : Louis Vuitton dispose déjà d’un stand sur la foire parisienne, laquelle a lancé en 2024 son propre Art Basel Shop – où l’on trouve des objets et des éditions limitées. Partenaire officiel du programme public d’Art Basel Paris, la maison de mode italienne Miu-Miu organise pour sa part une exposition au Palais d’Iéna. Quant aux Art Basel Awards, distinctions récompensant l’excellence dans l’industrie de l’art contemporain et qui marquent un nouveau chapitre dans l’histoire de la foire, ils seront remis pendant Art Basel Miami en partenariat avec la marque de prêt-à-porter Boss. La prochaine escale se fera à Doha, au Qatar, avec un rendez-vous, du 5 au 7 février 2026, dont Art Basel a dévoilé les premiers détails, notamment un format plus réduit et légèrement différent des autres éditions de la foire. On peut voir dans cette quête de nouveaux territoires une course en avant. Ou une stratégie judicieuse pour s’assurer des relais de croissance. L’avenir, plein d’incertitudes, le dira.

À Voir
Art Basel Paris, Grand Palais, avenue Winston-Churchill, Paris-8e, du 24 au 26 octobre, www.artbasel.com/paris

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°789 du 1 octobre 2025, avec le titre suivant : Art Basel, à la conquête du monde

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