Justice

Aristophil va liquider son stock progressivement

Par Vincent Noce · lejournaldesarts.fr

Le 11 mars 2015 - 698 mots

PARIS

PARIS [11.03.15] - Selon nos sources, le fabuleux stock de manuscrits de Gérard Lhéritier va être progressivement mis en vente. Les plaintes affluent après ses mises en examen.

L’issue était inévitable. Jeudi 5 mars (et non pas le jeudi 26 février comme nous l’indiquions dans notre édition du 11 mars), Gérard Lhéritier a été mis en examen pour escroquerie en bande organisée, sans compter quelques autres chefs de suspicion. En novembre 2014, la descente de police dans ses locaux fit l’effet d’un coup de tonnerre sur le marché des manuscrits, sur lequel il faisait la pluie et le beau temps. Ses comptes ont été saisis, sans même qu’il soit alors entendu. Sa société, Aristophil, a été obligée de fermer, pour être mise en redressement, le 16 février.

Ouverte également pour pratiques commerciales trompeuses, fausse comptabilité et blanchiment (un aspect que la défense présente comme marginal), l'instruction est confiée à la juge Charlotte Bilger, épaulée de René Cros. La fille de Gérard Lhéritier, Valérie, son comptable et son principal fournisseur, le grand libraire Jean-Claude Vrain, ont eux aussi été placés sous contrôle judiciaire. A l'issue de sa garde à vue, le professeur de la Sorbonne Jean-Jacques Daigre, qui lui servait de conseiller juridique, a été entendu comme témoin assisté.

La caution de Lhéritier a été fixée à deux millions d’euros, alors même que tous ses avoirs lui ont été confisqués. La valse des chiffres donne le tournis : une centaine de millions d’euros auraient été saisis sur les comptes, ainsi que les immeubles à Saint-Germain-des-Prés évalués à une vingtaine de millions ; le préjudice supposé, estimé en novembre à 700 millions, aurait grimpé à 850 millions; la société dénombre 18 000 clients; son fonds de manuscrits, photographies et dessins, mis sous scellé, compterait 135 000 pièces...

Tous les regards se tournent désormais vers cette collection, une des plus importantes en main privée au monde. L’administrateur provisoire, Gérard Philippot, a ouvert un inventaire. Le Journal des Arts est en mesure de révéler qu’il compte le mettre aux enchères, à compter de ce printemps. Il a déjà pris langue avec Jean-Pierre Osenat à Fontainebleau pour une première vente napoléonienne. En s’attaquant à cette partie la plus brillante de la collection, il voudrait démontrer que la dispersion d’une telle masse n’entraînera pas un effondrement des cours, sur un marché déjà affecté par ce scandale, en passe d'éclabousser d'autres grands libraires.

L’inventaire, qui devrait prendre des mois sinon des années, a été confié à deux experts, un chevronné (Christian Galantaris) et un néophyte (Jérôme Courtade), avec la société de commissaires-priseurs Morhange-Kapandji. Des sociétés de ventes comme Sotheby’s et Artcurial ont été contactées pour la suite. Pour atténuer un effet trop brutal sur le marché, Me Philippot envisage d’étaler la vente des portefeuilles au fur et à mesure de l’extinction des indivisions (le système spécial de vente en tranches, qui a fait tout le succès de Lhéritier), dont la durée est fixée à cinq ans.

Les plaignants affluent. Deux cabinets d’avocats (Lysias et Lecoq-Vallon) se sont déjà placés sur ce créneau. Chez Lysias, Me Benoît Huet a enregistré plus de 200 demandes de plainte, de France et de l'étranger: « le montant des investissements varie de cinq mille à un million d’euros... mais la plupart sont des petits épargnants, souvent des gens de la campagne, qui sont effondrés, car ils ont placé toutes leurs économies. »

Avocat de Gérard Lhéritier, Me Francis Triboulet est indigné par le cours de la procédure qui « vise à le décapiter, sans une seule plainte à l'origine, sur des bases juridiques incertaines. L'escroquerie est fondée sur une manœuvre frauduleuse : où est-elle caractérisée ici ? » Conçus par le professeur Daigre, « les contrats étaient clairs: il n'y avait aucune obligation de rachat et les contractants savaient que c'était un placement à risque. » Pour son défenseur, « il est incohérent de parler d'escroquerie, Lhéritier ayant perdu une quarantaine de millions d'euros de fonds personnels qu'il a investis dans la société. Il n'a pas vendu du vent : tous les clients sont aujourd’hui propriétaires de livres et manuscrits, contenant des pièces exceptionnelles dont la valeur est inestimable ». Les ventes en donneront un premier aperçu, avec controverse afférente.

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