Livres

Alde cultive les feuilles anciennes

Par Éléonore Thery · Le Journal des Arts

Le 8 juin 2016 - 587 mots

La maison de ventes a célébré ses 10 ans. Son modèle singulier la place dans le trio de tête dans le domaine des livres et manuscrits

PARIS - À l’image d’un monde feutré, discret et érudit, les collectionneurs d’ouvrages anciens – majoritairement des hommes aux tempes grisonnantes – commentaient à voix basse les lots de la vente organisée pour les 10 ans de la maison Alde. Dans les vitrines, certains ouvrages, datés du XIII au XIXe siècle, dévoilaient une page entrouverte sur les enluminures d’un livre d’Heures franc-comtois du XVe, enchâssant des miniatures dans de riches motifs floraux ; d’autres présentaient une version du Songe de Poliphile de la main d’un des plus grands imprimeurs vénitiens de la Renaissance, Alde Manuce. D’autres ouvrages encore ne laissaient voir que leur écrin : une reliure portefeuille dont la serrure barrait l’accès à un recueil de poèmes érotiques, une robe de maroquin rouge à large dentelle – une prouesse étant donné la taille de ces exemplaires des Fables de La Fontaine. « Certains collectionneurs sont attirés par l’objet lui-même, par l’amour de la reliure. D’autres sont dans une démarche plus intellectuelle, guidés par les textes », explique Jérome Delcamp, fondateur de la maison de ventes.

La vacation a réalisé un total de 1,3 million d’euros, un chiffre dans l’estimation, avec 73 % des 75 lots vendus. Un exemplaire des Pensées de Pascal a attiré les enchérisseurs jusqu’à 150 000 euros (est. 100 000-120 000 euros), un succès qui éclaire les attentes du marché. « Cet ouvrage réunit trois éléments fondamentaux : édition originale d’un texte d’intérêt historique, reliure et provenance », explique le commissaire-priseur, qui poursuit : « Les textes importants ne sont pas présentés luxueusement lorsqu’ils sortent, c’est le temps qui les révèle, une revanche de l’Histoire ! L’impression est ici tout à fait modeste, mais le baron de Longepierre a fait richement relier l’exemplaire en maroquin rouge, et y a apposé non pas ses armoiries mais un meuble de ses armes répété : la Toison d’or. » Alde Manuce, qui a donné son nom à l’opérateur de ventes, ne lui a pas porté chance : le Songe de Poliphile, estimé entre 150 000 et 200 000 euros, est resté sur le carreau. « La reliure, qui n’était pas d’époque mais de la fin du XIXe, correspond moins au goût actuel », commente le commissaire-priseur.

Dans un marché dynamique, malgré un récent tassement pour les manuscrits à la suite de l’affaire Aristophil, Alde a fait le choix d’un positionnement original : se concentrer exclusivement sur les livres, manuscrits et monnaies, un modèle à contre-courant d’une tendance à développer plus de départements, au gré des spécialités en vogue. « Cela nous permet de mettre en avant notre savoir-faire très spécifique, mais aussi de segmenter encore plus les ventes. Si certains acheteurs sont transversaux, d’autres recherchent des domaines très spécifiques », précise Jérôme Delcamp. Dans une année 2015 marquée par la dispersion de grandes collections, Mallarmé, Maurice Burrus ou Pierre Bergé, la société s’inscrit dans le trio de tête des maisons officiant dans cette discipline, avec un chiffre d’affaires de 7,3 millions d’euros (pour 21 ventes), talonnant Sotheby’s et ses 7,7 millions d’euros. La vente de la bibliothèque Pierre Bergé avait permis de faire bondir le chiffre d’affaires du département de la société du même nom, passé de 2,2 millions d’euros en 2014 à 12,6 en 2015. De son côté, Artcurial totalisait 1,3 million d’euros.

Toutes les estimations sont indiquées hors frais acheteur tandis que les résultats sont indiqués frais compris

ALDE, « 2006-2016 »,e 24 mai

Résultat : 1,30 M€
Estimation : 1,1-1,50 M€
Nombre de lots vendus : 55 sur 75 (73 %)

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°459 du 10 juin 2016, avec le titre suivant : Alde cultive les feuilles anciennes

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