Entretien

Michael Werner : Les galeries ne sont pas des musées

Michael Werner, galeriste

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 11 décembre 2007 - 752 mots

La galerie Michael Werner s’est d’abord installée à Berlin en 1964 avant de migrer en 1969 à Cologne. En 1990, le marchand a inauguré une seconde enseigne à New York. Son fils Julius a quant à lui ouvert une galerie en octobre”¯2006 à Berlin. Michael Werner achève en février 2008 son année de programmation organisée dans les locaux de l’ancienne Galerie de France, à Paris.

Vous allez bientôt clore votre saison à la Galerie de France. Pourquoi avez-vous choisi d’exposer à Paris et quel bilan en tirez-vous ?
Il m’est très difficile de l’expliquer, car je ne l’ai pas fait pour des raisons rationnelles. J’admire Paris de façon très sentimentale. Le résultat correspond toutefois à ce que j’en attendais. Les institutions françaises ne sont pas ouvertes, elles font semblant d’agir, mais ne sont pas actives. Tout cela est bien stable. On voit du contemporain sa face la plus inoffensive. Les Parisiens restent suspicieux face au moderne. Le monde des collectionneurs n’est pas grand, d’après ce que j’ai pu expérimenter ici – mais je me trompe peut-être. Les nouveaux collectionneurs que j’ai rencontrés sont intéressants, mais il y en a peu.

C’est un bilan bien négatif que vous dessinez là !
Pas vraiment. En tant qu’homme d’affaires, je suis content. Je ne suis pas frustré. Mais mes idées n’ont pas été corrigées par ce que j’ai vu. Je dois reconnaître cependant que je n’ai pas fait beaucoup d’efforts en communication.

Vous avez en effet organisé des expositions très courtes, annoncées toujours tardivement...
C’était de l’improvisation. Nous avions prévu d’ouvrir avec Sigmar Polke et l’ambre, mais pour différentes raisons, le show s’est d’abord fait à New York. Tout s’y est vendu et il était difficile de ramener l’exposition à Paris. Georg Baselitz devait faire la deuxième exposition, et finalement ce fut la quatrième du programme. Polke m’a dit qu’il ferait la dernière exposition, mais ça ne s’est pas fait. J’ai alors envisagé A. R. Penck, mais il avait une exposition en même temps chez Jérôme de Noirmont. Du coup, j’ai pensé à Wilhelm Lehmbruck, avant d’apprendre que le Musée d’Orsay prévoyait une exposition ; je trouvais embarrassant de faire quelque chose avant. Je finis du coup avec Otto Freundlich.

Comptez-vous reconduire ce type d’initiatives ailleurs ?
C’est une chose que je n’avais jamais faite, et dès le début, c’était destiné à ne durer qu’une saison. À Londres, je fais des expositions très privées suivies de dîners à Mayfair [quartier de Londres]. Quoi qu’il en soit, je pense que la localisation n’a guère d’importance, car il n’y a plus de centre. Quand vous êtes né à New York et que votre vie y est liée, vous pensez que c’est le centre. Certains ont essayé de déplacer leur activité à Cologne, en pensant que c’était un centre, mais c’était une blague.

Justement, vous allez vous associer avec votre fils à Berlin. Comptez-vous déplacer toute votre activité de Cologne à Berlin ?
Nous conservons l’espace de Cologne où nous organiserons des expositions, et nous allons trouver quelqu’un pour s’en occuper. Mais le travail quotidien et les archives partent à Berlin, où je réside depuis trois ans. Berlin joue sur les artistes jeunes, « prêts à consommer », ce qui me pose un problème. Avec mon fils, nous discutons, et je vais essayer de l’aider et de profiter aussi de son regard sur l’art actuel.

Pourquoi Cologne, qui attirait les regards dans les années 1980, a-t-elle perdu de son attrait au profit de Berlin ?
Cologne est une ville de province et, en tant que telle, elle tirait son énergie de ce qui l’entourait, en Belgique, au Luxembourg, et dans les villes voisines allemandes. Mais le Luxembourg a maintenant son propre musée et Bruxelles organise une foire qui marche. Berlin est la dernière ville « sale » de l’Europe occidentale ; elle est pauvre, bon marché, bien desservie par les transports. Elle a aussi une part d’histoire qui attire les gens pour des raisons sentimentales. Berlin ne fonctionne pas comme une capitale car elle n’a pas d’industrie ni d’argent. New York s’est transformée en vingt ans, passant de la décharge au spa avec des murs blancs. Cela n’arrivera pas aussi vite à Berlin.

Vous détenez aussi une galerie à New York. Comptez-vous l’agrandir à l’instar de nombre de vos confrères américains ?
J’ai ouvert une petite galerie, en reprenant le premier espace de Leo Castelli. Aujourd’hui, tout le monde veut s’agrandir, certains commencent avec 1 000 m2. C’est vrai que les œuvres tiennent mieux dans de belles et grandes salles que dans de petites pièces étriquées. Mais c’est la raison pour laquelle nous avons des musées. Pourquoi des galeries privées devraient-elles ressembler à des musées ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°271 du 14 décembre 2007, avec le titre suivant : Michael Werner : Les galeries ne sont pas des musées

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