L'actualité vue par

Hervé Chayette, président du Syndicat national des maisons de ventes volontaires (Symev)

«”¯La transposition de la directive est une opportunit锯»

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 12 novembre 2007 - 1075 mots

Commissaire-priseur à Drouot depuis 1976, Hervé Chayette a été membre de la Chambre des commissaires-priseurs de Paris de 1984 à 1987 et secrétaire de celle-ci de 1990 à 1994”¯; membre du Conseil de Surveillance de Drouot SA, puis président du Directoire, entre mars”¯1999 et juin”¯2000. En 2006, il devient président du Symev. Il commente l’actualité à l’occasion du lancement des débats sur la transposition de la Directive Services en droit français qui touche directement sa profession. Il s’exprime également sur la 3e édition du «”¯Week-end follement marteau”¯», des 17 et 18”¯novembre prochains.

Quels problèmes pose aux commissaires-priseurs français et aux sociétés de ventes volontaires (SVV) la transposition de la Directive Services ?
La France comme tous les pays européens a l’obligation de transposer cette directive en droit national au plus tard fin 2009. C’est un texte qui affirme le principe de la liberté d’installation et de la libre prestation de service. En ce sens, il nous pose un certain nombre de questions. Il s’applique à tous les services y compris celui de la vente aux enchères publiques, mais l’enjeu pour nous est de faire reconnaître la spécificité de notre métier, car nous voyons un danger à appliquer ce texte de façon pure et dure à notre domaine d’activités. La directive peut remettre en question le système français des ventes volontaires et il s’agit de savoir à quel niveau il convient de préserver le cadre réglementaire de la loi de 2000. Les conditions particulières d’accès à la profession de commissaire-priseur seront préservées par la Directive Qualifications, également d’actualité, mais quid des pouvoirs du Conseil des Ventes Volontaires (CVV), de l’agrément, de l’objet civil des SVV, de la vente de biens neufs, etc. ? Nous considérons en réalité que la transposition de la directive est une opportunité historique puisqu’elle va nous permettre d’avoir une réflexion globale sur l’avenir de notre profession et son développement. Nous préconisons de profiter du processus de transposition pour moderniser la loi de juillet 2000, l’adapter à la réalité du marché et, encore une fois, préparer l’avenir de notre métier.
Nous réalisons actuellement une consultation auprès des membres du Symev, soit 210 SVV. Nous avons construit les grands axes de cette réflexion autour d’une dizaine de questions concernant l’opportunité de conférer un objet commercial aux SVV ; la possibilité d’associer le Symev au « guichet unique » prévu dans la directive ; les conditions permettant aux huissiers de justice et aux notaires de faire des ventes aux enchères ; l’interdiction de réaliser des ventes de gré à gré qui n’existent pas dans les autres pays européens ; l’assouplissement des conditions de vente après vente et du cadre de la garantie de prix ou encore la clarification du cadre d’intervention des experts.

Le 24 septembre, à l’occasion de la présentation de L’Adoration du veau de Picabia au Centre Georges Pompidou, Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication, a présenté un plan de renouveau pour le marché de l’art français. Qu’en pensez-vous ?
Il répond pleinement à l’analyse et aux préoccupations des maisons de ventes telles qu’elles les expriment depuis des années. Le Symev a déjà entamé avec les pouvoirs publics une concertation sur les « entraves au dynamisme » du marché de l’art en France, notamment en ce qui concerne les différentes perceptions qui pèsent sur ce secteur d’activités : TVA à l’importation, droit de suite, participation au financement du régime de sécurité sociale des artistes, sans oublier l’inénarrable taxe sur les arts de la table… Il convient, comme le dit la ministre, d’alléger ces prélèvements et de rechercher leur simplification, ce qui nécessite une vision globale de leur application. Le Symev entend s’appuyer sur les impulsions données par le président de la République et le nouveau gouvernement, et ainsi engager la profession dans une démarche de modernité et d’ouverture.

L’organisation des premières ventes de Bonhams, 3e auctioneer mondial, en 2008 en France ; l’accroissement des ventes françaises et des œuvres d’art à l’export de Christie’s et Sotheby’s ; l’immobilisme de Drouot et le vieillissement de votre profession avec un départ massif de vos confrères à la retraite d’ici dix ans : dans ce contexte, comment voyez-vous évoluer le marché de l’art parisien ?
Il est clair que la pyramide des âges va conduire à un profond renouvellement de la profession dans les 10 ans à venir et l’on peut s’en réjouir. L’arrivée de Bonhams à Paris est un vrai défi pour Drouot. Mon sentiment concernant Drouot est que le projet de transformer ce lieu de vente unique en marque, pour ne pas dire en maison de ventes, reste plus que jamais d’actualité. L’atomisation des entreprises rend difficile toute intégration et tout investissement commun.

Comment va se dérouler le « Week-end follement marteau » cette année ? Quelles retombées en espérez-vous ?
Le troisième week-end de promotion des ventes aux enchères « follement marteau » aura lieu les 17 et 18 novembre prochains. Il fonctionne sur le même principe à savoir pendant deux jours, une centaine d’hôtels des ventes seront ouverts au grand public. Les sociétés de ventes aux enchères publiques de tous les coins de France créeront l’événement. Elles expliqueront leur métier au travers de manifestations liées à la vente aux enchères : ventes à thème, ventes caritatives, estimations, expositions, événements, conférences… à l’initiative de chacun.
Les retombées ne sont pas directes pour les SVV. Mais elles sont profitables en terme d’image à l’ensemble des ventes publiques. Nous avons chaque année beaucoup de retombées médiatiques. Aujourd’hui, pour la plupart des gens, les enchères sont synonymes d’Internet. Le côté positif d’Internet, c’est son rôle pédagogique. Il s’agit à présent de faire entrer ce public d’internautes dans de vraies salles de ventes qui offrent de vraies garanties.

Que pensez-vous du principe français de l’inaliénabilité des œuvres d’art entrées dans les collections publiques ?
L’évaluation de la qualité des œuvres d’art et la façon d’écrire l’histoire de l’art ne sont pas gravées dans le marbre. Aussi, si l’on ouvre une porte, il faut que cela soit très contrôlé.

Quelle récente exposition a retenu votre attention ?
J’ai beaucoup aimé l’exposition de la Queen’s Gallery à Londres, qui montre actuellement une partie des peintures et dessins italiens des XVIe et XVIIe siècles des collections royales britanniques (1). C’est une exposition admirablement présentée dans un endroit magnifique. J’ai une tendresse particulière pour le portraitiste Lorenzo Lotto, dont le talent était illustré par le Portrait d’Andrea Odoni. Et je n’ai pu que m’émouvoir devant un beau dessin de Léonard de Vinci représentant une étude de chevaux et plusieurs planches de la main de Michel-Ange.

(1) « The Art of Italy in Royal Collection : Renaissance & Baroque », jusqu’au 20 janvier 2008, Queen’s Gallery, Londres.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°268 du 2 novembre 2007, avec le titre suivant : Hervé Chayette, président du Syndicat national des maisons de ventes volontaires (Symev)

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