Entretien

Frédéric Néraud, Directeur général de la Fondation du patrimoine

« Les Français aiment leur patrimoine ! »

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 9 septembre 2005 - 975 mots

Cette année, pour leur 22e édition, les Journées européennes du patrimoine se dérouleront sur le thème « J’aime mon patrimoine ». Un slogan pour le moins général, mais qui a le mérite de mettre à l’honneur tout un chacun : associations, bénévoles, populations civiles, mécènes de proximité, collectivités territoriales... Ces partenaires, Frédéric Néraud les connaît bien, puisqu’il dirige depuis sa création en 1996 la Fondation du patrimoine.

La Fondation du patrimoine a été créée en 1996. Quelles en étaient les principales missions et quel est, aujourd’hui, le chemin parcouru ?
Les pouvoirs publics nationaux et locaux ayant déjà beaucoup à faire avec le patrimoine protégé –
environ 40 000 monuments classés ou inscrits à l’Inventaire supplémentaire des monuments
historiques –, ils avaient absolument besoin d’un partenaire susceptible de constituer autre source de financement pour les édifices non protégés, estimés au minimum à 500 000 en France. Fort de ce constat, l’État a voulu, par la loi du 2 juillet 1996, doter la France d’une fondation privée chargée de mobiliser le mécénat en faveur tout particulièrement du patrimoine bâti non protégé. La Fondation du patrimoine a pour mission d’identifier ce patrimoine de proximité en danger, de conseiller les propriétaires et, évidemment, de les aider financièrement – pour les propriétaires privés, sous forme de déductions fiscales, pour les propriétaires publics, soit par voie de souscription publique, soit en leur attribuant des subventions issues de ressources de mécénat ou de fonds que nous recevons de l’État au titre des successions en déshérence. Nous n’avons pas vocation à agir seuls, mais en partenariat avec les collectivités territoriales, les associations existantes… Il s’agit de créer une synergie des différents acteurs autour des projets. Notre rôle est celui d’un catalyseur.

À l’heure où l’État a lancé sa politique de décentralisation, parvenez-vous à satisfaire la demande ?
On reçoit beaucoup de dossiers, mais nous n’avons pas vocation à intervenir sur tous les fronts. L’année dernière, nous avons soutenu 1 200 opérations (850 privées et 350 publiques), ce qui a généré 60 millions d’euros de travaux. Pour cette année, nous espérons atteindre notre objectif de 2 000 édifices. Notre activité va en se développant, mais la demande est très forte. Beaucoup de bâtiments sont en péril. Cela dit, le problème n’est pas uniquement financier. Il faut aussi sensibiliser les propriétaires à l’urgence et à la nécessité d’agir, que ce soit des particuliers ou des communes rurales qui n’ont tout simplement pas les budgets… Attention, on ne restaure pas pour restaurer ! Quand nous soutenons la restauration d’un bâtiment, nous nous intéressons au projet qu’il y a derrière, à la manière dont l’immeuble va retrouver vie. Nous essayons de faire en sorte que la charge soit la plus réduite possible pour le propriétaire, mais aussi, pour des projets publics, de fédérer la population derrière le projet.

C’est justement le thème de cette 22e édition des Journées européennes du patrimoine. En France, aime-t-on son patrimoine ?
Sans hésiter, oui ! Nous sommes convaincus que les Français sont très attachés à leur patrimoine, quelles que soient les générations ou les catégories sociales. L’action menée auprès du grand public est, en ce sens, primordiale. Mais l’intérêt des Français ne se limite pas aux 11,5 millions de visiteurs lors des Journées européennes du patrimoine – ce qui est déjà très bien ! Pour une opération de proximité, c’est-à-dire concernant un bâtiment identitaire que la population peut s’approprier, les gens sont prêts à réellement s’impliquer, y compris financièrement. En témoignent les opérations de souscription que nous menons depuis trois ans. Nous en avons actuellement 350 dans toute la France, dans des régions très différentes et pour des projets fort variés. L’un des exemples les plus emblématiques est le château de Lunéville [Meurthe-et-Moselle], pour lequel 500 000 euros ont été collectés auprès du public. Certes, cela représente une petite partie du montant des travaux, mais avec une multitude de donateurs : même en donnant peu, chacun est mécène, c’est l’acte qui compte…

Ces Journées européennes du patrimoine rendent aussi hommage au rôle des bénévoles, sans lesquels l’action de votre fondation ne serait pas possible…
Effectivement, toute l’activité de la Fondation du patrimoine repose sur le bénévolat. Nous avons dans chaque département et dans chaque région un délégué, tous bénévoles. Nous avons mis plusieurs années à élaborer ce réseau. Ce sont des personnes qui ont en commun la passion du patrimoine, évidemment, mais, au-delà, qui sont prêtes à s’impliquer dans des dispositifs de gestion, avec un maximum de rigueur et de transparence. Nos délégués régionaux sont pour la majorité issus du monde économique, en activité ou en retraite, ce qui facilite la recherche de mécénat.

À ce sujet, ressentez-vous d’ores et déjà les retombées de la loi du 1er août 2003 ?
La France avait vraiment un régime fiscal très en retard dans le domaine et, incontestablement, la loi a un effet très bénéfique, aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises. Cela étant, il ne faut pas considérer qu’il n’y a plus rien à faire. La fiscalité est un instrument très important, mais pas suffisant à lui seul. Il reste à faire entrer le mécénat dans la culture des entreprises, en particulier des PME. Celles-ci doivent comprendre que le mécénat n’est pas réservé aux grandes entreprises, mais qu’une entreprise locale peut être mécène d’un projet, avec un réel retour en termes d’image. En matière de mécénat, il faut bâtir des projets sur mesure, garantissant – c’est l’une de nos missions – la possibilité pour les entreprises qui adhèrent à notre cause de valoriser leur intervention citoyenne.

La Fondation du patrimoine en cinq chiffres

- Date de création : 1996 - Montant total des travaux engagés depuis 2000 : 224 034 459 euros - Nombre de projets soutenus depuis 2000: 3 511 - Objectif fixé pour 2006 : soutenir 2 000 projets - Nombre d’emplois créés ou maintenus depuis 2000 (source INSEE) : 6 721

Des Journées très attendues

Les 17 et 18 septembre, à l’occasion de la 22e édition des Journées européennes du patrimoine, le public pourra découvrir de nombreux sites et monuments, palais de l’État, grandes demeures historiques, mais aussi un patrimoine méconnu ou d’habitude fermé au public. En Europe, 47 pays participent à l’événement. Le programme complet des manifestations est accessible sur www.culture.fr.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°220 du 9 septembre 2005, avec le titre suivant : Frédéric Néraud, Directeur général de la Fondation du patrimoine

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque