Droit

Jurisprudence

Le droit de suite peut incomber à l’acheteur

La Cour de cassation valide le transfert de la charge du droit de suite à l’acquéreur

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 16 juin 2015 - 488 mots

PARIS

PARIS - Le 3 juin 2015, la Cour de cassation, nécessairement liée par la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), a réitéré la solution européenne du 26 février dernier permettant le transfert de la charge du droit de suite à l’acquéreur, cassant en partie la décision de la cour d’appel ayant condamné Christie’s France.

Les opérateurs de ventes volontaires (OVV) n’ont pas tous attendu cette décision pour modifier leurs conditions de vente.

La Cour de justice de l’Union européenne avait été saisie en janvier 2014 par la Cour de cassation dans le litige opposant le Syndicat national des antiquaires (SNA) à Christie’s France en raison du transfert de la charge du droit de suite du vendeur à l’acheteur à l’occasion de la vente « Yves Saint Laurent et Pierre Bergé » de 2009. La décision rendue par la Cour de Luxembourg, le 26 février 2015, n’avait cependant pas vocation à s’appliquer directement au litige, la réponse apportée étant interprétative, nécessitant alors l’intervention de la Cour de cassation. C’est désormais chose faite depuis l’arrêt du 3 juin 2015, qui rappelle que « l’article 1er, paragraphe 4, de la directive (de 2001 sur le droit d’auteur) doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que la personne redevable du droit de suite, désignée comme telle par la législation nationale, que ce soit le vendeur ou un professionnel du marché de l’art intervenant dans la transaction, puisse conclure avec toute autre personne, y compris l’acheteur, que cette dernière supporte définitivement, en tout ou en partie, le coût du droit de suite, pour autant qu’un tel arrangement contractuel n’affecte nullement les obligations et la responsabilité qui incombent à la personne redevable envers l’auteur ».

Interprétation favorable aux vendeurs
Il est donc possible de déroger contractuellement à la règle édictée par l’article L. 122-8, alinéa 3 du Code de la propriété intellectuelle, qui dispose expressément que la charge du droit de suite pèse sur le vendeur. À condition toutefois que soit assurée au profit de l’auteur de l’œuvre adjugée, ou de ses ayants droit, la participation économique au succès de leur création qui lui est due.

L’interprétation de la CJUE étant rétroactive, l’acte objet du litige, soit en l’espèce la clause du catalogue de vente de Christie’s, est réputée conforme dès son origine. C’est pourquoi la Cour de cassation a cassé et annulé sur ce point l’arrêt de la cour d’appel de Paris. Le caractère rétroactif de la décision européenne a incité certains OVV à se saisir de cette nouvelle opportunité pour modifier, à la demande des vendeurs, leurs conditions générales de vente. Des catalogues annoncent ainsi dès leurs premières pages, puis dans leurs conditions, que la charge du droit de suite pèse sur l’acheteur, augmentant alors les frais pesant sur l’adjudicataire. Si la pratique ne s’est pas encore répandue, de nombreux opérateurs prévoient un changement de leurs conditions de vente dans les prochaines semaines.

Légende photo

Les locaux de Christie's, avenue Matignon, Paris. © Christie's.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°438 du 19 juin 2015, avec le titre suivant : Le droit de suite peut incomber à l’acheteur

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