Outre-Rhin « De l’Allemagne » : la querelle

L’hebdomadaire « Die Zeit » a publié le 18 avril la réponse d’Henri Loyrette à la polémique autour de l’exposition du Louvre.

BERLIN - Depuis début avril, la polémique enfle autour de l’exposition « De l’Allemagne, 1800-1939. De Friedrich à Beckmann », présentée au Musée du Louvre (lire p. 10). Comme le souligne le quotidien Die Welt, l’exposition devait aider les Français à mieux comprendre « nos amis allemands » à travers le prisme de l’art. Die Welt souligne a contrario que l’exposition « qui devait nous unir conduit à présent à la querelle ». Tout avait pourtant bien commencé, fin mars, avec une série de critiques positives, en particulier celle de Joseph Hanimann publiée dans le quotidien Süddeutsche Zeitung : « La nation guerrière a de la culture. » Si le critique d’art relevait certaines carences, notamment l’absence de Karl Friedrich Schinkel, les œuvres étant réservées pour une exposition à Munich, il ajoutait que l’exposition parvenait à montrer l’émergence d’un sentiment national au XIXe siècle tout en évitant les clichés les plus grossiers. Par ailleurs, la plus grande réussite de l’exposition est, pour l’auteur, de « renoncer aux divisions schématiques du classicisme, romantisme, réalisme, expressionnisme », et de ne « tirer aucune ligne droite du romantisme au national-socialisme ». C’est pourtant précisément le reproche fait dans l’article paru le 8 avril dans le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), qui expose les désaccords entre l’historien de l’art et co-organisateur de l’exposition Andreas Beyer et le Louvre. Beyer fait grief au musée d’avoir « bricolé sa propre histoire de l’Allemagne à partir du matériel fourni » par le Centre allemand d’histoire de l’art, organisme basé à Paris et dont il est le directeur.

Vers le national-socialisme
Même son de cloche pour l’hebdomadaire Die Zeit, sous la plume d’Adam Soboczynski. Celui-ci précise que le mérite de l’exposition tient à sa nouveauté, au fait d’exposer deux cents œuvres de qualité dont la plupart n’ont jamais été vues en France. Mais pour les apprécier, il faut ignorer purement et simplement les textes de l’exposition, l’audioguide, le livret d’accompagnement ainsi que le dossier de presse ; bref le concept même de l’exposition, selon lequel l’art allemand ne serait depuis Goethe qu’une succession inéluctable d’étapes vers le national-socialisme. L’omission du Bauhaus participerait de cette intention. Il cite ainsi Beyer qui reproche au Louvre sa vision téléologique de l’histoire, et des raccourcis à visée politique, ce qui, « dans le contexte de temps difficiles, risque de mener à une renationalisation des cultures ». « L’art et la politique ne font pas bon ménage », conclut Beyer. Die Zeit a publié dans sa version papier datée du 18 avril la réponse d’Henri Loyrette, l’ancien président-directeur du Musée du Louvre et commissaire général de la manifestation, qui rejette toute intention de réinterprétation de l’histoire à travers l’art. En accompagnement du texte d’Henri Loyrette, un article explique que les pays du sud de l’Europe, convaincus de l’hégémonie économique allemande sur les décisions européennes, n’ont d’autres ressources que d’attaquer l’Allemagne sur le seul terrain de bataille restant, la politique culturelle. Enfin, le FAZ réagit à la lettre d’Henri Loyrette en lui reprochant de ne pas supporter la critique, que celui-ci a immédiatement érigée en francophobie.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°390 du 26 avril 2013, avec le titre suivant : Outre-Rhin « De l’Allemagne » : la querelle

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