L’actualité vue par Georges-Philippe Vallois, président du Comité professionnel des galeries d’art

« Les galeries sont les partenaires indispensables des institutions »

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 2 octobre 2012 - 1293 mots

Le galeriste Georges-Philippe Vallois a été élu président du Comité professionnel des galeries d’art en décembre dernier. À quelques jours de l’ouverture de la Fiac, il commente les actions du syndicat et l’état du marché de l’art contemporain.

Jean-Christophe Castelain : Comment se passent vos premiers contacts avec le ministère de la Culture ?
Georges-Philippe Vallois : Ils sont positifs. De notre côté c’est une équipe renouvelée qui se présente. Sous la présidence précédente de Patrick Bongers et à mon initiative nous sommes passés de la cooptation à l’élection pour désigner le bureau du Comité des galeries, insufflant ainsi une nouvelle énergie. Nous avons pu rencontrer immédiatement après sa nomination Romane Sarfati, conseillère en charge des Arts plastiques, qui est à l’écoute car elle connait le milieu des galeries pour y avoir travaillé. Nous devrions rencontrer Aurélie Filippetti ces jours-ci alors que Frédéric Mitterrand avait attendu plus d’un an avant de recevoir mon prédécesseur. De surcroît, cette invitation avait été adressée conjointement au président du Syndicat des antiquaires alors que nos préoccupations, bien que convergentes sur un certain nombre de points, présentent des spécificités liées au rapport privilégié que nous entretenons avec les artistes.

J.-C.C.
  : Qu’allez-vous dire à Aurélie Filippetti ?
G.-P.V. : Nous avons un réel effort de pédagogie à fournir auprès de nos gouvernants. Une galerie ne se réduit pas une activité d’achat et de revente. Les galeries accompagnent en premier lieu les artistes et sont devenues des partenaires incontournables pour les institutions. Je connais de nombreuses galeries qui, à l’occasion des expositions d’artistes qu’elles représentent, trouvent des sponsors, participent au financement du catalogue, des transports… jusqu’au dîner de vernissage qu’elles contribuent à organiser ! Quand la puissance publique manque de budget, les institutions ont recours aux partenaires privés. Le premier d’entre eux est souvent la galerie mais cela n’est pour ainsi dire jamais mis en avant.

J.-C.C. : Quel est le bilan de santé des galeries françaises ?
G.-P.V. : Nous ne sommes pas en mesure de communiquer de chiffres précis, mais nous observons que nos cotisations – indexées sur le chiffre d’affaires – sont en baisse, ce qui suppose une contraction de l’activité de nos adhérents. Une étude du ministère, à laquelle nous avons participé, est également en cours et devrait permettre de mieux appréhender le paysage économique des galeries. Il y a un décalage entre l’image déformante des records en vente publique et la réalité de l’activité des galeries, notamment des jeunes galeries. L’avenir économique est incertain, mais je ne tire pas la sonnette d’alarme : la scène française est très dynamique, le marché de l’art en général suscite l’intérêt des médias. D’ailleurs le mot de crise est inadapté à notre secteur. J’ai vécu la crise des années 1990, qui avait gravement affecté le marché de l’art : plus personne ne franchissait le seuil des galeries, le taux d’invendus en ventes publiques était de 65 %. Nous ne sommes pas dans la même situation aujourd’hui.

J.-C.C. : Quels sont vos premiers chantiers ?
G.-P.V. : Ils sont très nombreux. Un Comité des galeries doit travailler de concert avec ses partenaires naturels, aussi une de mes premières actions a-t-elle été de nouer des contacts suivis avec les syndicats d’artistes. Nous avons également lancé des passerelles vers les collectionneurs et les associations d’amis. Notre site internet a été refondu et va offrir des liens vers tous ces interlocuteurs. Nous voulons également multiplier les opérations avec les institutions. Ainsi en juin 2013, Jean de Loisy va inviter au Palais de Tokyo seize jeunes commissaires internationaux à monter des expositions. Il nous a proposé d’y associer les galeries adhérentes au Comité afin d’organiser au même moment et sous la même bannière des expositions confiées à des commissaires de moins de 40 ans. Dans le même esprit, nous nous sommes associés avec la Fiac dans le cadre de la Nocturne des galeries, les critères d’agrément ont été élargis à notre demande pour comprendre une centaine de participants ; par ailleurs nous avons proposé à l’ensemble de nos adhérents de participer à cet événement et il y aura en tout plus de 150 galeries, dont 135 adhérentes au Comité qui seront ouvertes jusqu’à 23 heures le 18 octobre prochain.

J.-C.C. : Où en sont les dossiers concernant la commande publique et l’aide remboursable ?
G.-P.V. : Cela avance. Pierre Oudart, directeur adjoint en charge des arts plastiques au ministère, a pris le dossier de la commande publique à bras-le-corps et va diffuser prochainement une note qui rappelle la nécessité d’associer la galerie à l’ensemble du processus, et particulièrement en amont du contrat. Cela devenait urgent. La commande publique initialement destinée à un lieu fixe était de plus en plus souvent détournée au profit d’un achat déguisé sans destination préétablie. Nous ne formulons pas de revendications financières, mais il est indispensable qu’une galerie soit informée et considérée par la puissance publique comme un interlocuteur essentiel de toute collaboration avec un artiste. Le dossier de l’aide remboursable apportée par le Cnap pour financer la production d’œuvres devrait aussi se conclure prochainement. Les galeries seront ainsi en mesure de présenter des œuvres issues de la scène française dans des conditions financières favorables et positionner ainsi ces jeunes plasticiens au niveau de leurs homologues internationaux. Nous travaillons également à un nouveau code de déontologie qui contribuera à clarifier davantage nos relations avec nos partenaires artistes, collectionneurs et institutionnels ; celui-ci devrait voir le jour dans six mois. Nous avons également un projet de publication sur les spécificités tant culturelles qu’économiques de l’œuvre d’art en France. Interviendront dans cet ouvrage des représentants du domaine fiscal, institutionnel et artistique.

J.-C.C. : Y a-t-il vraiment une concurrence avec les maisons de ventes ?
G.-P.V. : Ce sont des concurrents, mais aussi des partenaires obligés. De manière générale, je souhaite rétablir l’équilibre juridique entre les deux circuits. Il n’est pas normal que la responsabilité des maisons de vente soit de cinq ans quand la nôtre est de vingt-cinq ans. Il n’est pas normal non plus que Christie’s veuille prélever le droit de suite sur les acheteurs. Nous supportons le même droit de suite alors que nous faisons un travail à long terme de promotion des artistes (à la différence de leur fonctionnement par système de dépôt-vente). Mais nous avons aussi des atouts spécifiques : les grandes collections ont été constituées par les marchands qui aujourd’hui encore demeurent les meilleurs experts et souvent les meilleurs acheteurs du marché.

J.-C.C. : Une modification de la fiscalité serait-elle un handicap ?
G.-P.V. : Bercy ne connaît pas notre métier. 95 % du marché français n’est pas spéculatif, contrairement aux pays anglo-saxons. Quand on achète un bien immobilier, on achète une valeur établie quantifiable. Le marché de l’art est très différent pour une œuvre d’art, si des augmentations soudaines et importantes ont pu être observées, sa valeur reste très incertaine et sans aucune garantie de rendement. In fine ce seraient les collectionneurs passionnés et les artistes qui souffriraient le plus d’un alourdissement de la fiscalité.

J.-C.C. : Certes, mais les artistes français sont-ils par ailleurs soutenus comme ils devraient l’être ?
G.-P.V. : Les artistes français sont « moins chers » et plus difficiles à vendre à l’étranger. Les institutions françaises soutiennent beaucoup moins les artistes de leur scène que leurs homologues étrangères mais comment le leur reprocher ? Elles n’ont pas d’objectifs précis en la matière et manquent cruellement de moyens ce qui les incite à privilégier des artistes déjà reconnus dont les soutiens financiers sont plus nombreux. Dans le même temps, on a critiqué le manque de cohérence de l’exposition du centre Pompidou Paris-Delhi-Bombay, mais personne n’a relevé qu’il y avait là dix artistes français confrontés à des stars internationales. Pourtant, c’est bien la mise dans un contexte international de nos artistes français qui permettra de démontrer leur valeur et d’augmenter leur désirabilité à l’extérieur de nos frontières.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°376 du 5 octobre 2012, avec le titre suivant : L’actualité vue par Georges-Philippe Vallois, président du Comité professionnel des galeries d’art

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